Le Merblex

paix, ça laissait le temps de découvrir les gnous dans la savane
qu’on avait reluqués que dans nos Atlas. Y’avait pas que cela
comme bestiaux. Y’avait le « grand Simba » 5 surtout… c’est-àdire
bibi ! C’est de ce nom que m’avaient rebaptisé les mamies.
Quand je leur demandais de m’expliquer, elles répondaient
en pointant l’index sur mon œil bizarre que c’était à leurs blessures
que se reconnaissent les bons guerriers. Je n’étais donc
plus le benêt d’autrefois et les autres devraient faire avec. Fini
d’inventer des histoires pour plaire aux Ménapiens, j’aurais qu’à
raconter les miennes. Du vécu, pur port que ça serait ! Les dauphins,
les Zoulous, les langoustes, les ananas et la « chaude
claque » des mamies, tout ça, maintenant, c’était moi. Ah ! Ils
allaient en faire une binette les fils de médecins et
d’apothicaires en me voyant débarquer tout bronzé en plein hiver.
Enfin, on a pagayé jusqu’à Lisbonne, où les odeurs de fritures,
semblables à un parfum de sirènes, annonçaient déjà Anvers.
J’y débarquerais une semaine plus tard, la tête pleine de
soleil. J’imaginais la haie d’honneur que les usagers auraient
préparé pour mon entrée en gare de Merblex-City… Je me
voyais déjà prendre un « bain de foule », serrer les mains tendues…
Il y aurait des enfants me souhaitant la bienvenue, agitant
de petits drapeaux au milieu des bravos et des fleurs… Autour
de moi, éclateraient des sourires et j’aurais retrouvé le
mien. Clara monterait sur un petit podium et annoncerait à la
foule : « C’est mon fils »… Puis, une fanfare se mettrait à jouer
l’air préféré de Léopold et nous partagerions la même jubilation.
5 Simba : Lion, roi de la jungle – titre donné aux guerriers valeureux.
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