Le Merblex

N’empêche qu’elle me fichait la trouille « la Bouche », tandis
que je clapotais encore dans mon aquarium sans fenêtre. Je
l’aurais reconnue entre mille à cause de la fréquence sur laquelle
était accordé le timbre de sa voix.
– Sale moutard ! Mais qu’est-ce que je vais devenir ? sanglotait-elle
en se trifouillant le péritoine. C’est du bonheur que
je voulais, moi… Jamais elle ne m’aurait dit : « Coucou, mon petit
pinouxe, est-ce que tu vas bien ? Est-ce que tu clapotes gentiment
dans la petite piscine de ta mère ? Clapote, clapote, mon
petit têtard, si t’es gentil t’auras du Mozart… »
Et moi ? J’allais devenir quoi ? Hein ? Ca, jamais elle se le
demandait la Bouche. Mon destin, elle s’en fichait comme de sa
première crotte de nez. D’ailleurs, elle n’accoucherait pas… c’est
vêler qu’elle allait faire !
Dès le berceau, rien qu’en babillant, le Merblex dérange
comme c’est pas permis… Ca n’écoute rien ni personne. Ca vient
d’une autre planète, ça n’est pas normal comme ils disent. Mais,
doit-on obéir quand on vient pour créer ? Comment se conformer
aux normes établies quand on naît avec la nouvelle oreille
et le nouvel œil ? Impossible ! De plus, les Merblex sont épris de
justice au point de rechercher toujours la vérité sur le fond des
choses ; ce qui les fait apparaître aux yeux d’autrui comme des
idéalistes ou des iconoclastes.
C’est « pas bon de se faire remarquer », comme on dit en
Belgique… Faut se fondre dans le décor, sans moufeter, quand
on veut vivre tranquille jusqu’à la fin de ses organes. C’est le secret
du bonheur ! Moi, je pouvais pas. Je le faisais pas exprès,
c’était comme ça. On naît « pas comme les autres » quand on
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