Le Merblex

X
À force de décortiquer l’œuvre de Jean-François Champollion,
je devins assez rapidement le scribe de mon école. En
échange d’un sac de billes, je dessinais volontiers dans des cartouches
les noms de mes camarades. Si j’étais assez mal noté
dans la plupart des matières qui m’étaient enseignées,
j’emmagasinais les coutumes de l’antiquité comme une fleur. La
haute Égypte était mon beau refuge.
Maât, plus facile à comprendre que l’Immaculée Conception,
devint ma « sainte » préférée. Je la priais à la manière des
anciens, m’appliquant à faire la Maât, dire la Maât, être la Maât.
(Faire, dire, être : la Vérité-Justice).
Soucieux de matérialiser les objets du culte que je vouais
aux divinités antiques, j’avais dressé dans ma chambre un autel
avec brûleur d’encens, aux pieds d’un mannequin de vitrine travesti
en prince pharaon sous les traits d’Osiris. Sa compagnie
dans les moments de solitude m’était précieuse. Il tenait le rôle
de médiateur entre les deux mondes. À chaque fois que je l’en
priais, il intercédait en ma faveur auprès des dieux. Jour après
jour, avec son aide je m’employais à créer un monde où régnait
l’harmonie magique dont seuls les prêtres et les scribes d’Amon
détenaient le secret.
J’en avais rien à cirer moi de leur connerie de bonheur à
l’occidentale ! Toute cette dinguerie, valait mieux claquer plutôt
que d’en être.
Y’avait qu’à voir les photographies que maman avait prises
pendant la guerre, alors qu’elle s’en allait ouvrir les camps avec
la bande à Patton. Entourée de GI’s, elle ne posait pas vraiment
sur ces clichés pris au bord des charniers où les carcasses con-
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