Le Merblex

– Tais-toi, toi, fit aussitôt Clara, sinon tu iras avec lui… En
plus de cela, continua-t-elle, il est temps que l’on mette le holà à
tes équipées nocturnes… sinon tu tourneras mal mon ami…
– Je bosse, c’est tout… que je répondis, moi.
– Tu travailles ? Et la nuit avec qui travailles-tu ? Avec
Christiane machin chose… et ton copain de Liège… si tu crois
qu’on n’est pas au courant… te fatigue pas, ton frère nous a tout
raconté ! Et ben ça mon ami, alors là, figure-toi que c’est la
goutte qui a fait déborder le vase ! »
Y jubilait l’autre, sur sa marche. Y méritait que je lui fiche
mon poing quelque part pour m’avoir balancé.
« C’est que des histoires qu’on m’a racontées pour rigoler…
je sais même pas si c’est vrai moi-même… alors.
– Histoires ou pas, moi, je suis ta mère et je ne rigole pas.
Tu iras à Dolembreux, la décision est prise !
– Nous savons bien que tu n’es pas fou, dit Anubis, Ca n’est
pas le même établissement que pour les malades mentaux. C’est
une maison « pour les nerfs », conclut-il.
– Tiens donc, ça existe ça ! m’exclamais-je, une sorte de
magasin où on trouve toutes sortes de nerfs de rechange en
somme… Y en a des longs, des courts, des fins, des extra-fins, en
élastique et en couleur pour les jours de fêtes, vendus au mètre.
Et, pour remplacer ceux qui sont nazes, on se les enfile au déjeuner,
comme des spaghettis.
– Oh quel culot ! glapit de plus belle la Bouche.
– Tu verras, c’est assez nan’nifique à Dolembreux, ça te fera
des vacances, reprit Anubis sans s’énerver le moins du
monde, mesurant l’étendue de nos rapports.
– C’est ça dis-je, en lui adressant un de mes fameux sourires
jaunis, qu’il perçut comme une approbation. »
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