Le Merblex

À la maison, je menais une telle vie à la tribu qu’ils finirent
par consentir à sortir ma guitare de sa cachette. On se mit à essayer
un duo, Phyl’et moi. Tching, tching… crin-crin, crin-crin…
Tching, tching… crin-crin…
« Mais non, mais si… attend… Tiching, tiching… crinkkrin
!
– Allez vous arrêter ? Tiching, tiching… crink-krin… –
Stop ! J’ai dit. Triching, tritching… crkrin-krin… Bouêïng ! Ce
dernier accord s’entendit dans tout le quartier. C’était aussi le
son que faisaient les ressorts de mon cœur, au moment où Léopold
éventrait sur le coin de la table, mes seize ans. Les cordes
de ma guitare encore attachées au manche, se tortillaient maintenant
comme un bouquet de vipères, au poing de mon père.
– Assassin ! Assassin ! J’en aurai une autre, dix autres ! que
je lui ai balancé.
– Tu n’aurais pas dû, balbutiait Clara, toute penaude. »
J’avais tenu un an aux « Trois-Marais », mais sans ma guitare…
à tire larigot moi, je cassais. Motif du renvoi : incompatibilité
d’humeur. Sympa le boss.
L’Occident était impitoyable, mais l’épreuve n’est-elle pas
une aile pour qui la supporte légèrement ? J’écoutais quand on
me frappait, mes oreilles étaient sur mon dos. Je n’étais qu’une
jeune incarnation, cependant je voulais tout faire à mon sommet.
Je faisais la Maât, je disais la Maât, j’étais la Maât, c’est en
elle que je puisais ma force. Je ne baissais la tête que devant
l’Unique Dieu, et la relevais devant tous les autres.
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