Le Merblex

de la vie. Pour ma part, je jurais que plus jamais je ne naviguerais,
tellement je l’avais en sang le grand colon.
Quand l’Étoile d’Orient entra dans le port d’Alexandrie, la
lune étendait sur les eaux ses rayons maternels. Le service du
dîner se terminait, bientôt les matelots s’affairèrent aux treuils
d’amarrages et les passagers débarquèrent dans la pagaille habituelle.
Quand vint notre tour, on nous remit nos passes et l’on
nous donna la consigne de ne pas chercher à nous procurer de
plans du Caire, ni photographier les installations portuaires,
sous peine d’être accusés d’espionnage. Je ne m’imaginais pas
qu’il puisse pleuvoir dans ce pays, c’est pourtant sous une fine
pluie que je débarquais sur la Terre des Pharaons, ce soir
d’avril. L’agitation sur les docks était plus dense que dans tout
autre port ; porteurs, guides et rolotos en tous genres virevoltaient
comme des mouches en criant :
« Welcome to Misr’, welcome to Misr (l’Égypte et à sa capitale.).
»
Ils étaient d’une telle prévenance que je m’imaginais en
voyage officiel, moi. Le phare d’Alexandrie n’était pas plus visible
que la Bastille, je ne trouvais donc là rien qui méritât que
je m’attarde. Il y avait bien la colonne rouge de Pompée, fichée
au milieu des ruines de la fameuse bibliothèque, qui à l’origine,
en comportait trois cent quatre-vingt dix-neuf autres, mais à
part ça… Ah si seulement j’avais tenu le salaud qui incendia ce
temple du savoir ! Je la lui aurais fait bouffer moi, cette colonne
!
« Qu’est-ce que tu en as à faire ? soupirait Mathéoni, avec
son accent à la Tino, tu vas tout de même pas te mettre sur les
nerfs pour un tas de pierre ?
– Tu es bien corse toi, hein ?
– Oui, mais, nous autres corses, quand on s’énerve, il se
passe quelque chose. Une bombe moi, je vais y mettre une
bombe moi, à cette colonne dis, si elle t’énerve. Fallait venir voir
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