Le Merblex

Le taxi laissa le Caire sur la droite pour traverser une
plaine cultivée, puis des jardins fleuris de plantes tropicales encerclant
des villas.
« Gizeh, terma, m’annonça le chauffeur. »
Tenant à découvrir les pyramides sans être distrait dans
ma contemplation, je fis stopper le taxi au bas de la rampe. À
ma grande surprise, le chauffeur refusa les quelques piastres de
pourboire que je lui tendais.
« Malech sir, mabrouk, dit-il en m’adressant un signe
d’adieu (Ca n’a pas d’importance, bonne chance). »
Le désintéressement de cet homme augmenta encore ma
joie. Par la suite, je constatais que les Égyptiens étaient les gens
les moins vénaux du monde et les plus serviables qu’il est possible
de rencontrer.
Je me mis en marche, les yeux fixés sur l’ourlet de mon
jeans, car je ne voulais pas découvrir graduellement les pyramides,
mais saisir d’un seul panoramique toute la majesté de la
Cité-des-Beautés. Quand le plus ahurissant spectacle du monde
s’offrit à moi, un « oh » d’admiration monta de mes lèvres. Elles
étaient là : Kheops la lumineuse, Khephren la grande, Mykérinos
la divine. Et il y en avait vachement d’autres, des dizaines
d’autres que l’on ne montrait jamais sur les cartes postales. Et
moi aussi, j’étais là. Il était là le Merblex ! Je me mis à arpenter
le plateau afin de les admirer. Les photos que j’avais vues ne représentaient
que de vulgaires terrils au regard de la grandeur
saisissante des trois masses magnétiques posées sur le sable.
Aux pieds des pyramides grouillait une faune indifférente
de mendiants, véritables charognards de nécropoles, tenaces et
tapageurs, hélant les touristes afin de leur soutirer quelques
piastres, tandis que les Occidentaux mitraillaient tant et plus.
Espéraient-ils vraiment fixer sur la pellicule ce que l’œil
n’arrivait pas à cadrer en un seul plan ? Des camelots insistaient
pour me refiler des reproductions en plâtre du sphinx, des chameliers
me proposaient une visite guidée à dos d’animal. De
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