Le Merblex

coup attendent pour régler leurs comptes. Au cours du rituel, les
officiants s’encouragent mutuellement à pousser toujours plus
loin leurs instincts meurtriers. Les cuisiniers de la cabine vingttrois
étaient allés jusqu’au bout en l’occurrence. Quelqu’un avait
eu l’idée de maintenir le petit gars par les quatre membres,
pendant qu’on lui introduisait la tige d’un extincteur dans
l’anus. Le pauvre perdit immédiatement connaissance, et décéda
un peu plus tard à l’infirmerie d’une overdose de neige carbonique.
La mort équatorienne emporta le petit cuistot vers
l’horizon Occidental. À l’aube, le soleil avait quelque chose
d’indécent et les premiers dauphins nous étaient indifférents.
Quand on apprit la nouvelle, dans notre cabine, ce fut la consternation.
Tout le personnel attaché au restaurant fut rassemblé
au mess pour le rapport.
« La règle est formelle, proféra un chef de cuisine en
s’adressant à tout le monde, avec un fort accent flamand : Si une
fois, y en a un seul qui moucharth’, y vals’ra à la baille !
– Oui, les mouchards à la baille, menaça un autre chef de
partie !
– Ouais, c’est les pédales qui l’ont tué, vociférait un copain
du mort ! Faut les éliminer. C’est des fachos !
– Alors, vos gueules, reprit le premier ! Pas de règlement
de comptes ! Et si aussi, on en attrape à discuter du bazar qui
s’est passé cette nuit, pour lui, ça s’ra la croix des vaches ! Et y
n’saurait pas dire qu’on n’l’aura pas prévenu hein ! »
Comme le « grand caché », le commandant prenait tous ses
repas dans sa cabine. Il ne descendait de sa retraite du troisième
pont qu’à l’occasion du dîner d’adieu aux passagers et dans des
circonstances exceptionnelles nécessitant son arbitrage. C’était
un homme mince, aux cheveux argentés, mais qui n’avait rien
d’un anachorète. Certaines passagères avaient apprit à le savoir…
Il leur faisait visiter la timonerie, leur laissait tenir un peu
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