Le Merblex

Le psychologue argumenta ainsi pendant plus d’une demiheure,
avec patience, me brossant un tableau aguichant des
bons traitements qui me seraient prodigués à Dolembreux ainsi
que les nombreux loisirs auxquels je pourrais m’adonner. Le
sentiment d’avoir rencontré quelqu’un qui veuille bien me comprendre,
s’ajoutant à l’idée d’un changement de cadre et de
mœurs, agirent sur mon esprit comme des leviers. J’acceptais
donc de me laisser capturer pour me rendre là où l’on voulait
que j’aille, pourvu qu’on me fiche la paix.
Le lundi suivant, le professeur Gulden machin chose vint
me prendre à la maison. Après les adieux d’usage, je pris place à
bord de sa bagnole qui démarra en douceur. Arrivés à destination,
nous franchîmes la grille d’une grande propriété et nous
avançâmes au fond d’un parc, jusqu’aux marches d’un bâtiment
dont le mur d’enceinte ne semblait franchissable qu’en montgolfière.
« Léon ! »
Anubis m’introduisit dans le hall d’arrivée où je restais
quelques instants seul, les mains crispées sur ma valise. Il revint
peu de temps après, accompagné d’une surveillante aux yeux de
grenouille, qui me conduisit à ma chambre en faisant sonner
son trousseau de clés. C’était une petite chambre proprette, bien
rangée, rien pour déranger l’imagination. Le lit, l’armoire de toilette
étaient en bois verni, pour me faire croire que j’étais en villégiature,
tandis que certains objets rappelaient inévitablement
ceux que l’on rencontre partout où ça renifle la pelure d’orange
et le mercurochrome. Peu de temps après, l’interne vint me
souhaiter le welcome. C’était un homme aux yeux noirs
d’environ soixante piges. Ses sourcils en accents circonflexes et
le bouc qu’il portait taillé en pointe, augmentaient l’aspect malin
de son visage. Il avait la manie d’enfoncer le bout de son index
dans le creux de sa joue, en posant son coude sur son autre bras,
lequel ceinturait son estomac d’où me parvenaient des bruits de
radio réglée sur une mauvaise fréquence. Sans doute, le chef des
– 191 –