Le Merblex

« Mes petits enfants, mes petits enfants, vous êtes sauvés
! »
Sans avoir encore décodé tout le sens de ses paroles, un
pressentiment nous fit frémir d’angoisse en devinant la catastrophe
qui faillit fondre sur nous. Une fosse qui cramait ? Le Vésuve
peut-être qui crachait le sang ? Au loin, le hululement de
sirènes de pompiers, de police, d’ambulances, déchiraient les
airs. Une agitation grandissante soulevait les rues. Des voix
épouvantées hantaient la commune.
Bientôt, tout le monde fut dehors. Les gens se regardaient
avec hébétude cherchant dans l’œil du voisin, à contre tumulte,
un avis contraire à l’avis général. Mais en vain. Le cinéma Rio
Brûlait ! Y suffisait de humer l’odeur « rêcrêtchôsse » répandue
dans l’atmosphère pour s’en convaincre. Ca empestait le petit
pull garanti acrylique et la tignasse roussie. À ce moment-là,
nous furent arrachées les seules vraies larmes que nous ayons
versées de toute la journée. Le lendemain, les pompiers retiraient
des décombres les corps rétrécis de quatre-vingts victimes,
que des copains pour la plupart.
La Bouche se félicitait d’avoir été aussi bien inspirée et
pendant longtemps, nous entendrions le récit détaillé du rêve
prémonitoire qui l’avait alertée.
« Eh, les Merblex ! Venez, je vous ai fait un matoufet. »
Mon frère avait parrain et marraine. Moi, rien de tout ça. Il
était mort sur le billard à l’âge de vingt ans lors d’une opération
des amygdales, mon parrain. Un examen préalable eut démontré
qu’il souffrait du foie et qu’il était dangereux de le chloroformer,
mais il n’y eut pas d’examen. On les diagnostique pas les
ploucs. On les ouvre, puis on les recoud. Les chirurgiens
l’expédièrent ainsi dans le monde parallèle avec son paquet de
rêves que le futur n’avait pas eu le temps de déballer. On creusa
un petit mastaba à la hâte, dans la houille, pour lui et ses amyg-
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