<strong>PRUD</strong> – <strong>projet</strong> n° <strong>37</strong> – <strong>rapport</strong> <strong>scientifique</strong> <strong>final</strong> (<strong>janvier</strong> 2004)al.(1995) observaient que l’augmentation de la pauvreté résultait plus de l’anticipation de la récessionpar les ménages comme un phénomène temporaire et d’un ajustement de leur niveau de consommationà la baisse par <strong>rapport</strong> à leurs revenus permanents. Ils notaient, par ailleurs, de réels motifs d’espoirquant à une réduction de la pauvreté à long terme. D’ailleurs, certains groupes socio-économiques,particulièrement les plus pauvres, avaient réussi, sur la période 1985-1988, à échapper à la pauvreté.Dès lors, s’il est possible d’avancer que la pauvreté a augmenté en Côte d’Ivoire, il paraît hasardeux depréciser son rythme de croissance. En particulier, entre 1993 et 1995, lorsqu’on retient les 10% lesplus pauvres comme la définition de l’extrême pauvreté, on obtient des seuils respectifs de 64465F.CFA et de 94600 F.CFA. Toutefois, lorsqu’on actualise le seuil de 1993 en appliquant les tauxd’inflation de 135% en 1993 et de 143% en 1995, on obtient un seuil d’extrême pauvreté en 1995 de92340 F.CFA, et un ratio de 8% au lieu de 10%. Dans ces conditions, on notera qu’il est difficiled’affirmer, de façon stricte, que la pauvreté ait augmenté. Néanmoins, en l’absence d’autres donnéesrelatives à la pauvreté en Côte d’Ivoire, nous retiendrons les ordres de grandeur fournis par le tableau1 pour les analyses qui vont suivre.Tableau 1 : Evolution de la pauvreté selon les régions en Côte d’Ivoire, 1985-19951985 1986 1987 1988 1993 1995p 0 p 1 p 2 p 0 p 1 p 2 p 0 p 1 p 2 p 0 p 1 p 2 p 0 p 1 p 2 p 0 p 1 p 2Abidjan 0,7 0,2 0,1 1,4 0,5 0,2 1,7 0,6 0,3 - - - 4,8 0,9 - 17,4 3,6 1,2Autres villes 8,0 2,5 1,4 5,5 0,9 0,2 4,7 0,7 0,1 7,3 1,6 0,5 31,3 8,1 - 28,8 6,5 2,1Forêt est 13,2 3,8 1,6 9,5 1,9 0,7 8,6 1,5 0,4 13,9 3,3 1,1 <strong>37</strong>,3 10,0 - 38,2 9,8 3,9Forêt ouest 1,6 0,5 0,3 1,9 0,2 0,0 9,3 2,4 0,9 16,1 3,1 1,0 35,6 10,0 - 47,1 10,8 3,5Savane 22,6 5,3 1,9 12,1 2,5 0,8 19,4 5,7 2,2 30,5 8,8 3,4 48,5 15,1 - 43,6 12,4 5,4Ensemble 10,0 2,7 1,1 6,4 1,3 0,4 9,1 2,3 0,8 14,1 3,5 1,3 31,3 8,7 - 33,9 8,4 3,2(1) Les lignes de pauvreté sont les suivantes : Z 85-88 = 75 000 F.CFA/tête, Z 93 = 101 340 F.CFA/tête et Z 95 = 144 800 F.CFA/tête. (2)Toutes les valeurs sont multipliées par 100.Source : Grootaert (1994) et INS (1997).Malgré l’urbanisation du phénomène, on remarque que la pauvreté reste principalement le faitdes populations rurales. Sur la période considérée (1985-1995), on observe que l’incidence etl’intensité de la pauvreté sont demeurées beaucoup plus élevées dans la Savane et les zones deForêt qu’à Abidjan ou dans les autres villes. Toutefois, à l’examen des rythmes de croissancede la pauvreté, on s’aperçoit que seule la région Ouest de forêt semble connaître uneprogression identique à celle des villes ivoiriennes. De plus, cette croissance s’effectue à unrythme particulièrement dramatique. Cette aggravation de la pauvreté en Forêt Ouest, demême qu’en ville, est encore plus perceptible lorsqu’on envisage les contributions des régionsà la pauvreté nationale. En effet, si en 1985, la pauvreté urbaine était de 18%, elle concerne 26et 27%, respectivement, de citadins en 1993 et 1995. En outre, au cours de cette période, lacontribution relative de la Forêt Ouest passe de 2% à plus de 20%.Tableau 2 : Décomposition de l’incidence de la pauvreté en Côte d’Ivoire (%)1985 1986 1987 1988 1993 19951,4 4,3 3,4 - 3,0 12,4AbidjanAutres villes 17,1 19,6 11,8 11,1 23,4 14,9Forêt Est31,0 35,7 22,1 23,3 25,8 27,2Forêt Ouest 2,2 4,2 11,1 17,6 20,3 22,1Savane 48,3 36,2 51,7 47,9 27,5 23,490
<strong>PRUD</strong> – <strong>projet</strong> n° <strong>37</strong> – <strong>rapport</strong> <strong>scientifique</strong> <strong>final</strong> (<strong>janvier</strong> 2004)Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0Source : INS (1997).Dans ce contexte d’ urbanisation croissante de la pauvreté, la ville d’Abidjan se distingueparticulièrement. En effet, elle connaît après la dévaluation de 1994 un décuplement de sapopulation pauvre, qui passe de 4,8% en 1993 à 17,4% en 1995. Par ailleurs, entre 1985 et1995, on y assiste à une montée vertigineuse de la pauvreté. Le tableau 1 montre que si lenombre de pauvres dans les autres villes est multiplié par 3,6, la proportion de pauvres àAbidjan aurait atteint 25 fois son niveau de 1985. Dans ce contexte, on comprend aisémentque la contribution de la capitale économique à la pauvreté nationale soit passée de 1,4% à12,4% sur la période, alors que celle des autres villes diminuait de façon significative de 2points. Toutefois, une telle progression intrigue. Comment comprendre que la proportion depauvres qui n’était multipliée, en 1993, que par 7 se soit autant accrue ? Bien que l’effet de ladévaluation et l’urbanisation croissante - 3,8% par an – soient des éléments à considérer, ils nesuffisent pas à justifier une telle progression.Quoiqu’il en soit, on observe certains bouleversements dans la « distribution » du niveau devie en milieu rural. En effet, en dépit d’une contribution relativement élevée à la pauvreté d’ensemble,le monde rural se caractérise par des changements dans la répartition du phénomène sur la période1985-95. Ainsi, alors que la région de Savane a longtemps été considérée comme la plus pauvre,aujourd’hui, il semble que cette situation prévale pour la Forêt Ouest. Alors qu’elle ne participait quepour 2% à peine à la pauvreté nationale en 1985 - contre 31% pour la Forêt Est et 48,3% pour la zonede Savane -, la Forêt Ouest en 1995 n’est devancée que d’un point par la région de Savane et de 5points par <strong>rapport</strong> à celle de la Forêt Est.Au total, le profil spatial de la pauvreté en Côte d’Ivoire apporte deux enseignements majeurs.Tout d’abord, on assiste à une montée notable de la pauvreté urbaine, particulièrement à Abidjan, où ladévaluation de <strong>janvier</strong> 1994 semble, à travers une spirale inflationniste et un renchérissement desproduits de base, avoir amplifié le processus. Ensuite, les deux régions les moins pauvres en 1985 -Abidjan et la Forêt Ouest - symbolisent « l’aggravation » de la pauvreté en Côte d’Ivoire durant toutela période d’ajustement, au demeurant plus sévère pour les espaces urbains, en particulier à Abidjan.65Néanmoins, lorsqu’on s’ intéresse au revenu moyen des pauvres , on remarque que tant à Abidjanqu’en Forêt Ouest, il est particulièrement élevé et équivaut en 1995, respectivement, à 79% et 77% dela ligne de pauvreté – respectivement, 114392 F.CFA et 111496 F.CFA par tête, alors que le revenumoyen national se situe à 108600 F.CFA. A cet égard, en ce qui concerne la Forêt Ouest, il faut noterque les pauvres y ont toujours présenté un revenu moyen supérieur à la moyenne nationale, àl’exception de 1985 et 1987. La croissance de la pauvreté dans cette contrée semble beaucoup plusimputable à une chute des revenus, due aux fluctuations de gains inhérents à l’activité caféière etcacaoyère. En ce qui concerne les autres régions, l’augmentation du ratio de pauvreté est associée à unrevenu moyen des pauvres assez élevé. Ainsi, en 1995, dans la région de Savane, pourtanttraditionnellement la plus pauvre 66 , le revenu moyen des pauvres est de 104256 F.CFA. Les analyses àpartir de la ligne inférieure de pauvreté en 1995 (94600 F.CFA) confirment ces observations, et le65 Le revenu moyen des pauvres en pourcentage de la ligne de pauvreté est défini par (1–P1/P0) en % ; P1/P0traduisant l’écart entre la ligne de pauvreté et le revenu moyen des pauvres, en pourcentage de cette ligne.66 Bassett (1991) indique que, déjà en 1955, le revenu moyen des ménages dans le Sud était sept fois plus élevéque dans le Nord. C’est, du reste, pour corriger un tel déséquilibre que la culture du coton a été introduite danscette région. Cette volonté politique ayant donné lieu à une véritable instrumentalisation du prix au producteur decoton – notamment, directement indexé sur celui offert aux producteurs de cacao (Koné, 1996).91
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