Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />
LA NÉVROSE TRAUMATIQUE DÉCLENCHÉE 87<br />
apparemm<strong>en</strong>t stable. Mais la suite a montré qu’elle avait <strong>en</strong>core besoin<br />
au moins du li<strong>en</strong> transfér<strong>en</strong>tiel. Un soir où son part<strong>en</strong>aire était ivre <strong>et</strong><br />
exigeait une fellation, elle l’a tué avec un pic à glace.<br />
Les autres cas de dangerosité que nous avons r<strong>en</strong>contrés ont heureusem<strong>en</strong>t<br />
eu un destin moins tragique.<br />
Sylvain<br />
Sylvain, 57 ans, saute violemm<strong>en</strong>t à la gorge d’un éboueur <strong>en</strong> train de<br />
vider un cont<strong>en</strong>eur où sont stockées <strong>les</strong> bouteil<strong>les</strong> <strong>en</strong> verre. L’interv<strong>en</strong>tion<br />
des autres accompagnants de la b<strong>en</strong>ne lui fait lâcher <strong>prise</strong>, « sinon je<br />
l’aurais étranglé. » Deux ans auparavant, ce cadre d’une grande <strong>en</strong>tre<strong>prise</strong><br />
commerciale a été victime, alors qu’il recevait un collègue dans son bureau,<br />
d’une viol<strong>en</strong>te explosion de gaz, qui a détruit la pièce où il se trouvait, <strong>et</strong> a<br />
été immédiatem<strong>en</strong>t suivie d’une infernale <strong>et</strong> interminable dégringolade du<br />
verre qui couvrait la façade de c<strong>et</strong> immeuble moderne. Deux mois après,<br />
il a prés<strong>en</strong>té une névrose traumatique avec des impulsions viol<strong>en</strong>tes, mais<br />
il a fallu c<strong>et</strong> incid<strong>en</strong>t où il s’est s<strong>en</strong>ti dans la peau d’un meurtrier pour qu’il<br />
vi<strong>en</strong>ne pour la première fois consulter un psychiatre, sans avoir besoin d’y<br />
être poussé.<br />
Jérôme<br />
Un jour arrive <strong>en</strong> consultation, sans prév<strong>en</strong>ir, un pati<strong>en</strong>t d’une cinquantaine<br />
d’années, Jérôme, très excité, qui avant d’être assis déclare : « Docteur, il<br />
faut que vous fassiez quelque chose parce que je vais tuer mon patron. »<br />
Dans la suite de l’<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>, il ne fait aucun doute qu’il est prêt à passer<br />
à l’acte <strong>et</strong> qu’il ne croit pas au succès de sa démarche. S’il est v<strong>en</strong>u ici,<br />
c’est parce que c’est l’armée qui l’a r<strong>en</strong>du comme ça quand il effectuait<br />
son service militaire <strong>en</strong> Algérie, <strong>et</strong> que c’est à l’armée de « faire quelque<br />
chose ».<br />
Un placem<strong>en</strong>t volontaire (à l’époque) était difficile à réaliser dans <strong>les</strong> conditions<br />
d’une consultation. En revanche, il a été possible de faire un pacte<br />
avec lui : il s’abst<strong>en</strong>ait de tout acte p<strong>en</strong>dant trois jours puis rev<strong>en</strong>ait pour<br />
une nouvelle r<strong>en</strong>contre. Auparavant nous avions parlé un peu. C’était un<br />
maçon <strong>en</strong> conflit de plus <strong>en</strong> plus viol<strong>en</strong>t avec son contremaître, celui qu’il<br />
avait décidé de tuer. En Algérie, il était appelé du conting<strong>en</strong>t mais se<br />
comportait comme le plus motivé des <strong>en</strong>gagés. Il avait été très fier d’être<br />
affecté dans une troupe de choc mais par deux fois avait vécu des instants<br />
traumatiques dont l’un avait été particulièrem<strong>en</strong>t atroce. Trois ans plus tard,<br />
étai<strong>en</strong>t apparus <strong>les</strong> premiers cauchemars.<br />
À l’<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong> suivant, il n’est plus question de son proj<strong>et</strong> de meurtre, mais<br />
de sa place de b<strong>en</strong>jamin d’une fratrie de cinq garçons qui l’avait conduit à<br />
vouloir se distinguer sur le terrain de la virilité. Comme toujours dans ces<br />
cas, l’installation d’une relation thérapeutique suffit à désamorcer la crise. Il<br />
y faut généralem<strong>en</strong>t plus d’un <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>, mais l’eff<strong>et</strong> souhaité initialem<strong>en</strong>t est<br />
assez rapide. Ce pati<strong>en</strong>t restera trois ans <strong>en</strong> psychothérapie... <strong>et</strong> guérira.