Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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32 CLINIQUE<br />
p<strong>en</strong>sé : c’est eux ou moi. » Il se s<strong>en</strong>t abandonné, personne n’est là pour<br />
lui dire ce qu’il doit faire. Il <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d derrière lui son camarade qui arme aussi<br />
son fusil mitrailleur. Il lui crie : « Ne fais pas le con, ne me tire pas dessus ! »<br />
Puis d’autres soldats français arriv<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>les</strong> « assaillants (?) » disparaiss<strong>en</strong>t<br />
dans la brousse.<br />
Dans ses cauchemars, qui se surajout<strong>en</strong>t à ceux du Golfe, il revit la situation<br />
« Où c’est eux ou moi puis plus ri<strong>en</strong>, il y a coupure de l’image <strong>et</strong> du son,<br />
comme une bande vidéo qui casse. »<br />
Le « trou noir » dans <strong>les</strong> cauchemars du premier traumatisme <strong>et</strong><br />
c<strong>et</strong>te « rupture de la bande vidéo » pour le second sont une brève<br />
figuration de l’expéri<strong>en</strong>ce d’effroi. Chez ce suj<strong>et</strong>, <strong>les</strong> cauchemars sont<br />
surv<strong>en</strong>us de manière assez précoce par rapport aux événem<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> n’ont<br />
pas eu d’incid<strong>en</strong>ce sur sa carrière militaire. D’autres, qui ont vécu un<br />
traumatisme, ont dû interrompre celle-ci ou obt<strong>en</strong>ir des affectations où<br />
ils ne risquai<strong>en</strong>t pas d’être exposés au danger ; <strong>en</strong> particulier parmi ceux<br />
qui n’ont pas prés<strong>en</strong>té de syndrome de répétition, mais uniquem<strong>en</strong>t des<br />
réveils <strong>en</strong> sursaut avec angoisse <strong>et</strong> des troub<strong>les</strong> du caractère. Le déni<br />
s’oppose ici à la remémoration des cauchemars comme de l’expéri<strong>en</strong>ce<br />
d’effroi durant l’événem<strong>en</strong>t. Ces cas pos<strong>en</strong>t d’ailleurs un problème au<br />
psychothérapeute qui doit être bi<strong>en</strong> persuadé que si un tel mécanisme<br />
de déf<strong>en</strong>se a été mis <strong>en</strong> place aussi durablem<strong>en</strong>t, c’est que le suj<strong>et</strong> est<br />
dans l’incapacité d’affronter la révélation du réel de la mort.<br />
Un autre de nos pati<strong>en</strong>ts lève un coin du voile sur c<strong>et</strong>te question.<br />
Observation 6<br />
Un soldat dans une ville africaine <strong>en</strong> guerre civile croise un cadavre horriblem<strong>en</strong>t<br />
mutilé. Il s’adresse à son camarade <strong>en</strong> lui disant : « C’est curieux<br />
qu’on voie tout ça <strong>et</strong> que ça ne nous fasse ri<strong>en</strong>. » Dans son affectation<br />
suivante à Sarajevo, il passe son temps à dormir lorsqu’il n’est pas de service<br />
: ses camarades l’appell<strong>en</strong>t « la marmotte ». Un mois après avoir quitté<br />
l’armé, apparaît un syndrome de répétition d’une extraordinaire viol<strong>en</strong>ce<br />
autour de l’image du cadavre mutilé.<br />
Le déni pr<strong>en</strong>d aussi d’autres formes, des états de consci<strong>en</strong>ce modifiée,<br />
souv<strong>en</strong>t rangés aujourd’hui sous le terme de « dissociation ».<br />
Nous ne donnerons pas d’exemp<strong>les</strong> ici parce qu’ils abond<strong>en</strong>t dans<br />
la littérature. Ce que nous avons r<strong>en</strong>contré le plus souv<strong>en</strong>t, c’est le<br />
s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de vivre un rêve, ou un cauchemar, des phénomènes de déréalisation,<br />
des modifications dans la perception du temps. Un peu plus<br />
rarem<strong>en</strong>t, <strong>les</strong> suj<strong>et</strong>s font état de brèves amnésies concernant le mom<strong>en</strong>t<br />
traumatique lui-même où souv<strong>en</strong>t une période d’actes automatiques qui