Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />
QUATRE OBSERVATIONS DE PRISES EN CHARGE 217<br />
Félix est assez courageux pour parv<strong>en</strong>ir assez vite à ce questionnem<strong>en</strong>t<br />
:<br />
« À ce très grand malheur qui m’est arrivé, il faut bi<strong>en</strong> qu’il y ait une<br />
très grande faute qui corresponde. »<br />
Dieu — le dieu des chréti<strong>en</strong>s, il est baptisé <strong>et</strong> croyant — l’a puni,<br />
mais de quoi ? Il préfère tourner <strong>et</strong> r<strong>et</strong>ourner dans son esprit c<strong>et</strong>te<br />
question plutôt que la thèse que ses cousins <strong>en</strong> France lui ont soufflée :<br />
quelqu’un est allé voir un « féticheur » pour qu’il ait un accid<strong>en</strong>t mortel.<br />
Il dit ne pas croire à la magie, même si quelques-uns de ses rêves<br />
montr<strong>en</strong>t le contraire.<br />
Les causes de la dépression<br />
Félix, nous l’avons vu, a décidé de pr<strong>en</strong>dre acte de la réalité de<br />
l’événem<strong>en</strong>t traumatique. Il y parvi<strong>en</strong>t de mieux <strong>en</strong> mieux, aidé <strong>en</strong> cela<br />
par la pression moindre qu’exerce le syndrome de répétition. Dans le<br />
même temps, c’est la dépression qui s’aggrave. Les s<strong>en</strong>sations intracorporel<strong>les</strong><br />
sont pour lui une préoccupation majeure : quelque chose<br />
est <strong>en</strong> train de dévorer sa force vitale. Il se s<strong>en</strong>t fatigué <strong>et</strong> sans désir.<br />
Sa tristesse confine au désespoir, sur fond de vagues idées de suicide.<br />
On pourrait rapporter c<strong>et</strong> état dépressif à ce qu’il <strong>en</strong> dit lui-même : il a<br />
pris consci<strong>en</strong>ce des pertes que l’att<strong>en</strong>tat lui a fait subir. Félix est un bel<br />
homme, bi<strong>en</strong> bâti, qui était sportif, il excellait dans le football, <strong>et</strong> avait<br />
beaucoup de succès auprès des femmes. Son amputation, ses cicatrices,<br />
<strong>les</strong> plages brûlées sur sa peau lui sont insupportab<strong>les</strong> : « Mon corps<br />
était mon atout principal. » Il a aussi perdu trois ans dans son cursus<br />
universitaire, a oublié beaucoup de ce qu’il savait <strong>et</strong> ne se s<strong>en</strong>t pas<br />
capable de poursuivre ses études.<br />
Il est certain que tous ces élém<strong>en</strong>ts jou<strong>en</strong>t leur rôle dans la détermination<br />
de l’état dépressif. Mais il faut t<strong>en</strong>ir compte aussi des s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts<br />
de culpabilité, qu’il finit par formuler dans c<strong>et</strong>te affirmation terrible :<br />
« Je suis maudit. »<br />
Dans <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s de c<strong>et</strong>te malédiction, outre l’att<strong>en</strong>tat, il inclut la mort<br />
de son père, alors qu’il avait cinq ans, <strong>et</strong> <strong>les</strong> sacrifices cons<strong>en</strong>tis par<br />
sa mère pour assurer sa scolarité. Au cours des mois que dure sa<br />
psychothérapie, Félix oscille <strong>en</strong>tre plusieurs réponses à c<strong>et</strong>te question<br />
que se pose tout rescapé d’un événem<strong>en</strong>t grave où il s’est vu mort :<br />
« Pourquoi moi ? » Ce qui lui paraît le plus mystérieux, c’est sa course<br />
folle le long du quai pour s’<strong>en</strong>gouffrer <strong>en</strong> jouant des coudes dans c<strong>et</strong>te<br />
rame, à un mètre de la bombe, « comme si elle avait exercé sur moi une<br />
attraction ». Son discours l’<strong>en</strong>traîne peu à peu vers des interprétations<br />
traditionnel<strong>les</strong>. Par exemple, il fait un rêve dans lequel il r<strong>et</strong>ourne