Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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124 THÉRAPEUTIQUE<br />
LA GESTION DE LA CRISE<br />
L’événem<strong>en</strong>t a souv<strong>en</strong>t un eff<strong>et</strong> désorganisateur sur la partie du<br />
tissu social qu’il touche <strong>et</strong> sur <strong>les</strong> interv<strong>en</strong>ants extérieurs administratifs,<br />
sociaux ou médicaux (Pri<strong>et</strong>o, 2003). C<strong>et</strong>te désorganisation, dans<br />
la mesure où elle est perçue par <strong>les</strong> victimes, est extrêmem<strong>en</strong>t dommageable<br />
pour el<strong>les</strong> car elle r<strong>en</strong>d improbable la mise <strong>en</strong> place d’un<br />
véritable secours. Elle est dommageable aussi pour ceux qui ont des<br />
responsabilités dans la gestion de la crise. Les secours peuv<strong>en</strong>t être<br />
désori<strong>en</strong>tés par un commandem<strong>en</strong>t peu crédible ou par la confusion<br />
<strong>en</strong>g<strong>en</strong>drée par la situation elle-même, <strong>et</strong> se réfugier dans des conduites<br />
automatiques, dans une frénésie d’action non réfléchie <strong>et</strong> sans plan<br />
d’<strong>en</strong>semble. Les « psys » n’échapp<strong>en</strong>t pas à ces problèmes s’ils ne<br />
pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas le temps de réfléchir, de se concerter <strong>et</strong> de p<strong>en</strong>ser leur<br />
action future <strong>en</strong> fonction des données concrètes de la situation avant<br />
de se laisser aller impulsivem<strong>en</strong>t à ce qu’ils sav<strong>en</strong>t faire : l’abord des<br />
individus à leur portée. Il leur apparti<strong>en</strong>t parfois de remplir le rôle de<br />
« conseiller du commandem<strong>en</strong>t », comme on dit dans l’armée, d’aider<br />
<strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> à t<strong>en</strong>ir leur place <strong>et</strong> à pr<strong>en</strong>dre <strong>les</strong> décisions uti<strong>les</strong>.<br />
L’expéri<strong>en</strong>ce montre que cela se passe mieux si des contacts ont été<br />
pris auparavant <strong>et</strong> si le mode de collaboration <strong>en</strong>tre <strong>les</strong> uns <strong>et</strong> <strong>les</strong> autres<br />
a été évoqué, discuté, voire expérim<strong>en</strong>té dans simulations à grande<br />
échelle, bi<strong>en</strong> avant l’événem<strong>en</strong>t. Dans le cas contraire, l’autre écueil<br />
qui gu<strong>et</strong>te le psychiatre est que l’autorité administrative lui demande de<br />
faire des choses qui ne sont pas de son ressort, comme par exemple<br />
annoncer le décès aux famil<strong>les</strong>. Il y a aussi le risque parfois qu’il<br />
lui soit demandé d’aller sur <strong>les</strong> lieux mêmes de l’horreur. Selon <strong>les</strong><br />
circonstances <strong>et</strong> <strong>les</strong> événem<strong>en</strong>ts, <strong>les</strong> psychiatres sont plus ou moins<br />
mêlés au mainti<strong>en</strong> de l’ordre <strong>et</strong> de la cohér<strong>en</strong>ce dans le dispositif général<br />
des secours. Ils doiv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> fait toujours savoir qu’une bonne gestion<br />
de la crise <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drée par l’événem<strong>en</strong>t est une condition préalable à<br />
la réussite du travail thérapeutique lui-même. « Le caractère soudain<br />
de la catastrophe <strong>et</strong> l’interv<strong>en</strong>tion <strong>en</strong> urg<strong>en</strong>ce sur <strong>les</strong> lieux où tous <strong>les</strong><br />
repères sont bouleversés précipit<strong>en</strong>t à divers degrés chaque interv<strong>en</strong>ant,<br />
quel qu’il soit (sauv<strong>et</strong>eurs, responsab<strong>les</strong> institutionnels, mais égalem<strong>en</strong>t<br />
membres de la CUMP), dans un vécu immédiat de crise psychique. Ce<br />
vécu est éminemm<strong>en</strong>t perturbateur, car il m<strong>et</strong> le suj<strong>et</strong> <strong>en</strong> impossibilité<br />
de p<strong>en</strong>ser. Ainsi <strong>les</strong> particularités de l’interv<strong>en</strong>tion de la CUMP font<br />
qu’elle doit impérativem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> préciser <strong>les</strong> limites, rec<strong>en</strong>trer son action,<br />
introduire parole <strong>et</strong> p<strong>en</strong>sée, aider <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> institutionnels à<br />
garder leur rôle, leurs fonctions <strong>et</strong> leurs repères, car tout n’appelle pas<br />
une réponse psychologique. » (Pri<strong>et</strong>o, 2000).