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Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge

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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />

CONSÉQUENCES À COURT ET MOYEN TERME DU TRAUMATISME 53<br />

vi<strong>en</strong>s, ni où je vais. Simultaném<strong>en</strong>t je suis pris d’un malaise profond : grande<br />

panique intérieure avec déstabilisation totale, s<strong>en</strong>sation de vulnérabilité<br />

int<strong>en</strong>se, mon rythme cardiaque s’accélère très fort, viol<strong>en</strong>t vertige, perte<br />

provisoire de la vue (la portée de c<strong>et</strong> événem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tal est tellem<strong>en</strong>t<br />

phénoménale, l’une des plus singulières auxquel<strong>les</strong> j’aie eu affaire que je<br />

p<strong>en</strong>se <strong>en</strong> oublier même mon <strong>en</strong>veloppe corporelle <strong>et</strong> sa station debout –<br />

qui se mainti<strong>en</strong>t à peine <strong>en</strong> équilibre, que je ne conçois plus du tout, puis<br />

partiellem<strong>en</strong>t). Alors que je repr<strong>en</strong>ds l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t mes esprits, la notion de<br />

mon corps <strong>et</strong> de l’espace qui m’<strong>en</strong>toure, de l’équilibre, <strong>et</strong> simultaném<strong>en</strong>t<br />

de la vue, je suis suj<strong>et</strong> à une peur profonde : je suis susceptible de grave<br />

danger (mortel). J’ai l’impression très n<strong>et</strong>te de sombrer dans la folie.<br />

Je me rappelle des premiers mots que j’ai p<strong>en</strong>sés depuis mon réveil,<br />

paradoxalem<strong>en</strong>t ici pour échapper à l’effroi : « je suis fou ? »... « je devi<strong>en</strong>s<br />

fou ? »... « calme-toi »... « repr<strong>en</strong>ds-toi très vite »... « réfléchis »...<br />

J’opère l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t un demi-tour sur moi-même. Hésitant, <strong>les</strong> jambes faib<strong>les</strong><br />

(il semble qu’el<strong>les</strong> flanch<strong>en</strong>t là aussi) <strong>et</strong> pris de légers vertiges, je remonte<br />

le couloir qui me fait face sans savoir où je vais, effectue le virage dans<br />

l’autre s<strong>en</strong>s, ne me reconnais toujours plus dans <strong>les</strong> lieux, alors que je<br />

me trouve sur le palier que j’ai emprunté <strong>les</strong> jours précéd<strong>en</strong>ts. Je dois dire<br />

qu’au-delà, je ne sais réellem<strong>en</strong>t plus où je suis de manière générale : dans<br />

un dédale de couloirs inconnus, sombres, inquiétants, dans un univers que<br />

je ne situe pas, dont j’ignore <strong>les</strong> limites. Sans savoir ce que je fais ici, qui<br />

je suis, pourquoi j’existe. Je recomm<strong>en</strong>ce à être pris de panique, comme si<br />

la folie me m<strong>en</strong>açait à nouveau si je ne me r<strong>et</strong>rouvais pas immédiatem<strong>en</strong>t<br />

dans un <strong>en</strong>droit id<strong>en</strong>tifiable. [...]<br />

(Compte t<strong>en</strong>u de la longueur de ce témoignage, nous allons maint<strong>en</strong>ant<br />

aller très vite vers le récit des jours qui suiv<strong>en</strong>t.)<br />

Je suis noyé dès ce mom<strong>en</strong>t-là de mon exist<strong>en</strong>ce dans une tristesse, un<br />

désarroi, une peine int<strong>en</strong>se non exprimée, une imm<strong>en</strong>se, incomm<strong>en</strong>surable<br />

solitude, loin de tout, cela dans l’indiffér<strong>en</strong>ce des personnes qui m’<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t<br />

(dans l’indiffér<strong>en</strong>ce générale). Je n’ai pas à l’esprit que cela est anormal ou<br />

différ<strong>en</strong>t d’avant. Lorsque je m’<strong>en</strong> rappelle aujourd’hui, j’ai le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t que<br />

je vivais (<strong>et</strong> vis toujours un peu) <strong>en</strong> décalage avec le monde. Alors que ce<br />

phénomène se dissipe au cours des années, parallèlem<strong>en</strong>t, j’<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>drai<br />

très progressivem<strong>en</strong>t consci<strong>en</strong>ce jusqu’<strong>en</strong> 2001 <strong>et</strong> r<strong>et</strong>rouverai finalem<strong>en</strong>t la<br />

mémoire des faits. [...]<br />

Compte t<strong>en</strong>u de la mémoire que j’ai de c<strong>et</strong>te peur int<strong>en</strong>se, <strong>en</strong>vahissante,<br />

insupportable de l’époque, qui perdurera dans <strong>les</strong> semaines suivantes, s’estompant<br />

légèrem<strong>en</strong>t au fil des mois tout <strong>en</strong> restant bi<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>te, je peux<br />

affirmer aujourd’hui que si quelqu’un m’avait fixé, scruté dans <strong>les</strong> premiers<br />

jours, j’aurais eu une très forte réaction. Aurais-je crié sous l’em<strong>prise</strong> d’un<br />

état de folie, serais-je sorti de la pièce <strong>en</strong> courant ? Cela m’est difficile à<br />

imaginer. [...]<br />

(Sa re<strong>prise</strong> du travail a lieu trois jours après : voici un extrait de ce qu’il <strong>en</strong><br />

dit.)

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