Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />
CATHARSIS ET PSYCHOTHÉRAPIE 119<br />
chance que n’a pas eue le traumatisé, qui ne pourra parfois reconquérir<br />
ce qu’il faut d’ignorance que lorsqu’il sera à même de se poser c<strong>et</strong>te<br />
question : « Mais de quoi donc suis-je coupable ? »<br />
Mais là, nous sommes <strong>en</strong> un temps au-delà de la catharsispsychothérapie,<br />
la tâche a résisté aux premières attaques de la parole<br />
pour la lier <strong>et</strong> la déliter. On a changé d’échelle <strong>et</strong>, dans la psychothérapie<br />
qui n’a plus qu’épisodiquem<strong>en</strong>t des rapports avec la catharsis, c’est tout<br />
l’appareil psychique qui est mis <strong>en</strong> chantier.<br />
Thérapie <strong>et</strong> rituels<br />
Terminons ce suj<strong>et</strong> avec un récit emprunté à un psychiatre togolais,<br />
récit d’une cure traditionnelle d’une névrose traumatique <strong>en</strong> Afrique<br />
noire (Djassao, 1994).<br />
Madame M.<br />
La scène se passe dans un village du Nord du Togo. Mme N., tr<strong>en</strong>te ans,<br />
prépare le repas. À côté d’elle joue la fill<strong>et</strong>te d’une amie, âgée de quatre<br />
ans. Celle-ci tombe dans une bassine d’eau bouillante que Mme N. vi<strong>en</strong>t de<br />
poser à terre, <strong>et</strong> meurt un peu plus tard de ses brûlures.<br />
L’événem<strong>en</strong>t décl<strong>en</strong>che chez Mme N. un état dépressif sévère, avec idées<br />
de culpabilité, puis apparaiss<strong>en</strong>t des cauchemars répétitifs. La question<br />
que se pose le couple N. est celle-ci : « Qui a cherché à nous nuire <strong>et</strong><br />
pourquoi ? » Afin d’élucider c<strong>et</strong> événem<strong>en</strong>t tragique, un devin est consulté.<br />
Le véritable auteur du drame se révèle être un esprit, un génie, avec lequel<br />
le propriétaire de la maison que lou<strong>en</strong>t <strong>les</strong> N. avait pactisé. Il avait fait appel<br />
à lui pour qu’il m<strong>et</strong>te fin au pillage de sa plantation <strong>en</strong> provoquant la mort des<br />
voleurs. Pour des raisons complexes trop longues à développer ici, Mme N.<br />
est <strong>en</strong>trée dans le champ d’action de ce génie, qui a trouvé ce moy<strong>en</strong> de<br />
lui nuire : la r<strong>en</strong>dre responsable de la mort de l’<strong>en</strong>fant des L. <strong>et</strong> l’exposer à<br />
leurs représail<strong>les</strong>.<br />
Le devin prescrit alors un rituel destiné à rompre le pacte qui lie le propriétaire<br />
à son génie, <strong>et</strong> un rituel thérapeutique destiné à sauver de la mort<br />
le couple N. (le mari prés<strong>en</strong>tant des signes dépressifs interprétés comme<br />
résultant de la fuite de son flux vital). Le rituel thérapeutique comporte deux<br />
phases. Dans la première a lieu publiquem<strong>en</strong>t une reconstitution des faits,<br />
au cours de laquelle l’officiant j<strong>et</strong>te dans la bassine bouillante un poussin<br />
« du même âge » que la fill<strong>et</strong>te, puis il <strong>en</strong>terre le p<strong>et</strong>it cadavre avec ces<br />
paro<strong>les</strong> : « Emporte avec toi tous nos malheurs, détourne de nous <strong>les</strong> forces<br />
du mal. » Enfin, des libations ont lieu, où sont invoqués <strong>les</strong> génies <strong>et</strong> <strong>les</strong><br />
ancêtres, <strong>et</strong> l’assistance procède aux ablutions qui suiv<strong>en</strong>t de coutume un<br />
<strong>en</strong>terrem<strong>en</strong>t. La cuv<strong>et</strong>te est proprem<strong>en</strong>t lavée. Dans la deuxième partie<br />
du rituel, le devin procède à la purification de Mme N. On lui rase la tête,<br />
on la dévêt, on la lave avec la cuv<strong>et</strong>te c<strong>et</strong>te fois-ci remplie d’eau froide.