Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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212 THÉRAPEUTIQUE<br />
Il voyage beaucoup à travers l’Europe <strong>et</strong> monte une « start-up » avec<br />
des amis. Enfin des amis... le seul ami qu’il souhaite avoir c’est son<br />
psychiatre (il rêve qu’il est avec lui le seul survivant d’une épidémie<br />
<strong>et</strong> que l’un des deux doit tuer l’autre pour pouvoir survivre). Comme<br />
l’amour, l’amitié reste prisonnière des ombres du passé, dans l’espace<br />
spéculaire, ce qui est un progrès.<br />
Il vi<strong>en</strong>t de temps <strong>en</strong> temps pour un <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>, une fois par trimestre<br />
<strong>en</strong>viron, souv<strong>en</strong>t à la suite d’un rêve. Il s’agit toujours, ou presque,<br />
de son rapport avec <strong>les</strong> femmes, qu’il ne recherche que pour le plaisir<br />
qu’el<strong>les</strong> peuv<strong>en</strong>t lui donner. Il termine le dernier <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong> <strong>en</strong> date sur<br />
c<strong>et</strong>te phrase : « On ne se rem<strong>et</strong> jamais d’avoir été abandonné par sa<br />
mère. »<br />
Conclusion<br />
Le destin du traumatisme infantile est extrêmem<strong>en</strong>t divers, surtout<br />
quand il est comme ici très précoce, à un mom<strong>en</strong>t où l’<strong>en</strong>fant ne sait<br />
ri<strong>en</strong> <strong>en</strong>core de la mort (Bailly, 1999) <strong>et</strong> qu’il n’est pas très loin de<br />
ses expéri<strong>en</strong>ces originaires de morcellem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> de néantisation. Par<br />
pure hypothèse, Pierre aurait pu dev<strong>en</strong>ir psychotique s’il ne s’était<br />
id<strong>en</strong>tifié à son père (quel<strong>les</strong> que soi<strong>en</strong>t <strong>les</strong> difficultés que ça lui a<br />
values par la suite), ou guérir <strong>et</strong> oublier s’il avait été dans une famille<br />
d’accueil aimante. Ce qui est intéressant dans c<strong>et</strong>te observation, c’est<br />
qu’un traumatisme psychique très précoce <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre une culpabilité<br />
accablante <strong>et</strong> une exclusion de la communauté des hommes, comme<br />
dans <strong>les</strong> névroses traumatiques graves de l’adulte. D’autre part, <strong>les</strong><br />
eff<strong>et</strong>s de l’image qui a fait effraction se sont intriqués à une psychonévrose<br />
extrêmem<strong>en</strong>t sévère. Intriqués dans le s<strong>en</strong>s où chacune des<br />
deux voies psychopathologiques a r<strong>en</strong>forcé la dim<strong>en</strong>sion pathogène de<br />
l’autre. Pierre a par exemple deux raisons de s’imaginer comme le<br />
meurtrier de sa mère : d’une part il la désire <strong>et</strong> elle représ<strong>en</strong>te pour lui<br />
un risque d’anéantissem<strong>en</strong>t, d’autre part le traumatisme a fait resurgir<br />
ses fantasmes destructeurs archaïques.<br />
Repr<strong>en</strong>ons <strong>les</strong> phénomènes spécifiquem<strong>en</strong>t liés à ce traumatisme qui<br />
n’a pu s’élaborer.<br />
L’omniprés<strong>en</strong>ce de la mort d’abord, mais ici non comme une m<strong>en</strong>ace<br />
de chaque instant mais comme un vœu obsédant : il s’agit de tuer <strong>et</strong><br />
d’être tué. Et cela avec un raffinem<strong>en</strong>t de moy<strong>en</strong>s qui port<strong>en</strong>t la marque<br />
du réel : découper, dépecer, voire manger <strong>les</strong> morceaux du cadavre,<br />
ou se faire écrabouiller, couper la tête, émasculer. Pierre a mis très<br />
longtemps avant de pouvoir livrer ces fantasmes, qui seront intimem<strong>en</strong>t