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Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge

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34 CLINIQUE<br />

Les psychiatres militaires ont l’habitude de repérer chez <strong>les</strong> soldats<br />

l’un de ces élém<strong>en</strong>ts qui prolong<strong>en</strong>t la phase de lat<strong>en</strong>ce, c’est-à-dire<br />

r<strong>en</strong>forc<strong>en</strong>t le déni : l’illusion groupale. Tant qu’il est dans son unité,<br />

avec ses camarades, le suj<strong>et</strong> participe de c<strong>et</strong>te illusion collective que le<br />

groupe est invulnérable <strong>et</strong> le protège de la mort. C’est lorsqu’il pr<strong>en</strong>d sa<br />

r<strong>et</strong>raite, qu’il se r<strong>et</strong>rouve sans ce souti<strong>en</strong> du groupe, que se décl<strong>en</strong>che sa<br />

névrose traumatique. C’est parfois quelques années après que l’image<br />

productrice d’effroi vi<strong>en</strong>t « exploser dans sa tête », selon le mot de notre<br />

jeune parachutiste (cf. observation 6.). Il est alors rarem<strong>en</strong>t capable<br />

d’affronter, seul, c<strong>et</strong>te image incrustée dans son appareil psychique <strong>et</strong><br />

c’est à ce mom<strong>en</strong>t-là que nous le voyons se précipiter à la consultation<br />

dans un hôpital militaire (Lebigot, 1991). S’il ne fait pas c<strong>et</strong>te démarche,<br />

c’est souv<strong>en</strong>t un destin d’exclu, d’alcoolique, de suicidé qui l’att<strong>en</strong>d.<br />

Des études actuel<strong>les</strong> sur la prescription dans l’immédiat de psychotropes<br />

(Propranolol, Tianeptine...) qui protégerait de l’apparition<br />

d’un syndrome de répétition traumatique, irai<strong>en</strong>t peut-être dans le s<strong>en</strong>s<br />

d’une action semblable à c<strong>et</strong>te illusion groupale ; <strong>en</strong> agissant sur l’angoisse,<br />

el<strong>les</strong> favoriserai<strong>en</strong>t l’instauration du déni <strong>et</strong> donc d’une phase de<br />

lat<strong>en</strong>ce.<br />

On voit donc la place c<strong>en</strong>trale du déni dans l’état m<strong>en</strong>tal du psychotraumatisé<br />

sur le long terme, <strong>et</strong> l’importance du jeu de force qui s’établit<br />

<strong>en</strong>tre lui <strong>et</strong> l’image de néant qui l’habite. Ces réflexions se vérifi<strong>en</strong>t dans<br />

le travail psychothérapique, <strong>en</strong> particulier quand il est <strong>en</strong>trepris p<strong>en</strong>dant<br />

la phase de lat<strong>en</strong>ce, pour un état dépressif par exemple, ou après le<br />

décl<strong>en</strong>chem<strong>en</strong>t de la névrose traumatique, mais lorsque le syndrome<br />

de répétition se montre <strong>en</strong>core assez discr<strong>et</strong>. Am<strong>en</strong>er trop tôt le suj<strong>et</strong><br />

à parler de l’événem<strong>en</strong>t, le soum<strong>et</strong>tre à la technique du débriefing,<br />

sous couvert de provoquer c<strong>et</strong>te mythique « abréaction » à laquelle<br />

nous ne croyons pas, provoque des réactions qui ne vont pas dans le<br />

s<strong>en</strong>s souhaité, au contraire. Soit le suj<strong>et</strong> confronté brutalem<strong>en</strong>t par son<br />

thérapeute à l’événem<strong>en</strong>t traumatique ne revi<strong>en</strong>dra pas à la consultation<br />

suivante, ou lui reprochera avec colère l’aggravation de ses troub<strong>les</strong> ;<br />

soit s’installeront des résistances infranchissab<strong>les</strong> qui comprom<strong>et</strong>tront<br />

définitivem<strong>en</strong>t la poursuite du traitem<strong>en</strong>t. Le r<strong>et</strong>our sur l’événem<strong>en</strong>t<br />

peut être seulem<strong>en</strong>t proposé par le thérapeute, <strong>et</strong> à un mom<strong>en</strong>t où le<br />

transfert <strong>en</strong>tre lui <strong>et</strong> son pati<strong>en</strong>t s’est bi<strong>en</strong> établi. L’intéressé dira alors<br />

ce qu’il a <strong>en</strong>vie de dire, <strong>et</strong> il apparti<strong>en</strong>dra au médecin de juger de<br />

l’opportunité de ses questions, qu’el<strong>les</strong> port<strong>en</strong>t sur <strong>les</strong> faits eux-mêmes<br />

(parfois le récit des cauchemars s’il y <strong>en</strong> a), ou sur <strong>les</strong> p<strong>en</strong>sées qui ont<br />

accompagné l’événem<strong>en</strong>t ou qui <strong>en</strong> sont issues (Lebigot, 2001).

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