Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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52 CLINIQUE<br />
sans que je ne puisse ri<strong>en</strong> faire. Je porte alors machinalem<strong>en</strong>t ma main à la<br />
bouche. [...]<br />
Si j’ai la s<strong>en</strong>sation que mon exist<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tière est détruite, <strong>et</strong> j’ignore totalem<strong>en</strong>t<br />
pourquoi, à quoi bon... faire quoi que ce soit ne servirait à ri<strong>en</strong>... c’est<br />
trop tard, c’est fini... peine infinie mais non ress<strong>en</strong>tie. Dernière frustration...<br />
se délitant elle aussi dans le néant, le sil<strong>en</strong>ce. Exactem<strong>en</strong>t comme si<br />
je n’avais ri<strong>en</strong> éprouvé. Un grand regr<strong>et</strong> vi<strong>en</strong>t après... d’où vi<strong>en</strong>t-t-il ? Il<br />
n’est bi<strong>en</strong>tôt plus qu’un soupçon... lui aussi estompé... emprisonné dans<br />
le sil<strong>en</strong>ce. [...]<br />
Machinalem<strong>en</strong>t, je cherche à porter att<strong>en</strong>tion à la b<strong>les</strong>sure de la veille,<br />
comme si ri<strong>en</strong> ne s’était passé, alors que depuis mon réveil je vis des symptômes<br />
immédiats beaucoup plus impressionnants <strong>et</strong> qui devrai<strong>en</strong>t d’ores <strong>et</strong><br />
déjà me faire <strong>en</strong>visager de me r<strong>en</strong>dre aux urg<strong>en</strong>ces d’un hôpital. Mais je me<br />
trouve dans un état différ<strong>en</strong>t qui r<strong>en</strong>d toute consci<strong>en</strong>ce impossible. [...]<br />
(C’est la première fois dans son récit qu’il parle de sa « b<strong>les</strong>sure de la<br />
veille ».)<br />
Une manifestation flagrante de l’anormalité de mon état me fera justem<strong>en</strong>t<br />
face à ce mom<strong>en</strong>t-là. Dans le miroir : mon bras ne se dirigera pas là où il<br />
devait.<br />
La vision de la cicatrice sur mon visage ne me fait plus réagir comme la<br />
veille. Le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t que je ress<strong>en</strong>s alors est très difficile à exprimer : sans<br />
que je sache pourquoi, je me s<strong>en</strong>s pulvérisé, détruit à un point tel qu’il ne<br />
me sert plus à ri<strong>en</strong> de réagir. Il ne m’est plus possible de faire émerger un<br />
quelconque s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t, même de révolte. Cela n’est plus nécessaire, c’est<br />
trop tard, c’est fini. [...]<br />
J’ai un profond besoin d’aide <strong>et</strong> décide d’aller voir si MR est là. [...]<br />
Lorsque je sortirai de ma chambre je serai immédiatem<strong>en</strong>t confronté à des<br />
symptômes m<strong>en</strong>taux proches de la folie... qui se succéderont durant tout<br />
l’épisode où je serai à l’extérieur. [...]<br />
Je sors de ma chambre <strong>et</strong> <strong>en</strong>tame le traj<strong>et</strong> dans le couloir. Mes jambes<br />
continu<strong>en</strong>t à lâcher de manière imprévisible. J’amorce un virage à quelques<br />
mètres puis poursuis mon chemin tout droit sans emprunter l’escalier qui<br />
est à ma gauche. Je l’ignore totalem<strong>en</strong>t, ne le vois pas <strong>et</strong> me dirige comme<br />
un automate dans l’allée qui me fait face (je ne me rappelle plus des<br />
impressions ni de mon vécu à c<strong>et</strong> instant, dès que j’ai passé le virage).<br />
Formule très parlante que j’ai trouvée hier pour exprimer exactem<strong>en</strong>t cela :<br />
c’est comme si durant ce passage je « n’existais plus »), emprunte un autre<br />
coude <strong>et</strong> me r<strong>et</strong>rouve dans une sorte de cul-de-sac constitué d’une p<strong>et</strong>ite<br />
partie de couloir (sans idée de moi-même à ce mom<strong>en</strong>t-là. Je décris le<br />
traj<strong>et</strong> aujourd’hui parce que je sais par déduction l’avoir effectué à l’époque).<br />
Je ne me reconnais alors plus dans <strong>les</strong> lieux <strong>et</strong> m’arrête. Il semble que je<br />
repr<strong>en</strong>ne ici consci<strong>en</strong>ce. Ce mouvem<strong>en</strong>t est très progressif <strong>et</strong> je me s<strong>en</strong>s<br />
puissamm<strong>en</strong>t figé dans le temps (il n’existe plus, il ne passe plus). Je me<br />
s<strong>en</strong>s totalem<strong>en</strong>t perdu. L’impact est extrêmem<strong>en</strong>t puissant <strong>et</strong> proche de la<br />
folie. Plus jamais de mon exist<strong>en</strong>ce je n’arriverai à r<strong>et</strong>rouver mon chemin.<br />
Je n’ai plus la mémoire du simple traj<strong>et</strong> que je vi<strong>en</strong>s d’effectuer, ni d’où je