Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />
LES SOINS IMMÉDIATS 127<br />
mom<strong>en</strong>t littéralem<strong>en</strong>t invivable la communauté des hommes <strong>en</strong>voie des<br />
représ<strong>en</strong>tants <strong>et</strong> des messagers pour pr<strong>en</strong>dre acte de ce que la victime<br />
a vécu, l’incitant ainsi à rev<strong>en</strong>ir dans le monde des vivants, a <strong>en</strong> soi<br />
seul un eff<strong>et</strong> qui dépasse ce que le suj<strong>et</strong> lui-même peut <strong>en</strong> compr<strong>en</strong>dre.<br />
On ne peut pas compter, pour un accueil qui joue discrètem<strong>en</strong>t sur le<br />
registre de la fraternité humaine, sur <strong>les</strong> médecins somatici<strong>en</strong>s dont la<br />
fonction n’est pas de s’intéresser à la personne dans son <strong>en</strong>semble, mais<br />
à un corps b<strong>les</strong>sé <strong>et</strong> qui perd ses fluides vitaux. Pour le psychiatre,<br />
le psychologue ou l’infirmier, il s’agit d’assurer une prés<strong>en</strong>ce, qui<br />
parfois se suffit à elle seule, quand il est trop tôt pour que des mots<br />
soi<strong>en</strong>t prononcés, mots qui souv<strong>en</strong>t instaur<strong>en</strong>t l’ébauche d’une relation.<br />
L. Daligand décrit très bi<strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t de la r<strong>en</strong>contre avec la victime :<br />
« Toute r<strong>en</strong>aissance exige la prés<strong>en</strong>ce d’un témoin. Ce peut être un<br />
thérapeute s’il croit que l’humanité au cœur de la victime n’est pas<br />
gommée, que la viol<strong>en</strong>ce exercée sur elle pour l’expulser de sa condition<br />
humaine ne l’a pas chassée du monde des hommes. Il l’appelle à être un<br />
parmi d’autres dans l’espérance du désir de vie. » (Daligand 1998).<br />
On mesure bi<strong>en</strong> l’eff<strong>et</strong> bénéfique de c<strong>et</strong>te fonction d’accueil lorsqu’elle<br />
se trouve <strong>en</strong> défaut. Les cas <strong>les</strong> plus graves de névrose traumatique<br />
que nous ayons r<strong>en</strong>contrés sont ceux où, à l’événem<strong>en</strong>t, a succédé<br />
une solitude vécue comme un abandon réel. Nous <strong>en</strong> avons déjà cité des<br />
exemp<strong>les</strong>.<br />
Nous pouvons égalem<strong>en</strong>t évoquer ici l’histoire de ce psychologue<br />
agressé dans une rue déserte.<br />
Un soir, à la sortie d’un congrès, il est attaqué par des loubards qui le<br />
frapp<strong>en</strong>t violemm<strong>en</strong>t <strong>et</strong> s’acharn<strong>en</strong>t sur lui. Incapable de se relever, il passe<br />
des heures, ou ce qui lui semble des heures, à att<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> vain le secours<br />
d’un passant. Il finit par ramper sur le pavé <strong>et</strong> rejoint sa voiture. Il parvi<strong>en</strong>t<br />
à la m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> marche <strong>et</strong> roule à une vitesse folle jusqu’à son domicile, trois<br />
c<strong>en</strong>ts kilomètres plus loin. Plusieurs thérapeutes ont successivem<strong>en</strong>t cherché,<br />
au moins, à alléger sa névrose traumatique qui <strong>en</strong> faisait un invalide<br />
psychique, mais <strong>en</strong> vain. Plusieurs hospitalisations dans un service parisi<strong>en</strong><br />
qui se fait une spécialité du psychotrauma n’ont donné aucun résultat. Nous<br />
l’avons adressé à notre tour à un confrère mais sans beaucoup d’illusions.<br />
Il est rare que ces névroses traumatiques ne puiss<strong>en</strong>t s’améliorer au<br />
cours d’une <strong>prise</strong> <strong>en</strong> <strong>charge</strong> sérieuse.<br />
Ce vécu d’abandon est moindre lorsque la victime au sortir de l’événem<strong>en</strong>t<br />
r<strong>et</strong>rouve ses semblab<strong>les</strong> mais il peut néanmoins exister <strong>en</strong><br />
fonction de l’accueil qui lui sera réservé. Ainsi dans l’armée, quand