Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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76 CLINIQUE<br />
façon cyclique <strong>et</strong> tous <strong>les</strong> ans à la date anniversaire de sa capture, il vi<strong>en</strong>t<br />
se faire réhospitaliser à l’hôpital militaire. Malgré la brièv<strong>et</strong>é de ces périodes<br />
un véritable travail psychothérapique arrive à se faire qui a, au moins, le<br />
mérite de lui r<strong>en</strong>dre sa puissance sexuelle perdue à la suite des tortures<br />
(dont il ne nous révélera jamais la nature). Il se marie <strong>et</strong> a un <strong>en</strong>fant.<br />
Un jour, il arrive à l’hôpital à une période de l’année où on ne l’att<strong>en</strong>dait pas :<br />
il a un énorme goitre thyroïdi<strong>en</strong> qui remplit tout l’espace du cou d’une oreille<br />
à l’autre. Le hasard veut qu’il soit opéré le jour de la fête musulmane du<br />
sacrifice, la fête de l’Aïd. Il a la cicatrice de quelqu’un qui aurait été égorgé ;<br />
il est rayonnant : à partir de ce jour, il n’aura plus jamais de cauchemars.<br />
L’<strong>en</strong>fant abandonné par son père aux mains de ses tortionnaires porte<br />
maint<strong>en</strong>ant dans sa chair la marque du sacrifice, la marque de l’amour<br />
d’Allah.<br />
Les évolutions stab<strong>les</strong> à un niveau de gravité variable<br />
Le plus souv<strong>en</strong>t, ces suj<strong>et</strong>s gard<strong>en</strong>t leurs cauchemars comme un obj<strong>et</strong><br />
précieux <strong>et</strong> s’accommod<strong>en</strong>t tant bi<strong>en</strong> que mal de leur angoisse, de leur<br />
dépression ou autres symptômes associés.<br />
Les aggravations<br />
El<strong>les</strong> sont progressives mais peuv<strong>en</strong>t pr<strong>en</strong>dre le relais d’une évolution<br />
fluctuante. El<strong>les</strong> concern<strong>en</strong>t <strong>en</strong>viron 20 % de c<strong>et</strong>te population <strong>et</strong> <strong>les</strong><br />
conduis<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t à une série de ruptures dramatiques dont nous avons<br />
parlé au chapitre des troub<strong>les</strong> caractériels. Jusqu’à une époque réc<strong>en</strong>te<br />
el<strong>les</strong> étai<strong>en</strong>t le seul motif d’hospitalisation lorsque le suj<strong>et</strong> ne voyait<br />
pas d’issue à son mal. Assez curieusem<strong>en</strong>t d’ailleurs, c’est avec <strong>les</strong> cas<br />
<strong>les</strong> plus graves qu’on peut obt<strong>en</strong>ir parfois des résultats thérapeutiques<br />
spectaculaires.<br />
Les évolutions dramatiques<br />
El<strong>les</strong> conduis<strong>en</strong>t à une totale exclusion du monde des hommes. Ces<br />
suj<strong>et</strong>s traumatisés se r<strong>et</strong>rouv<strong>en</strong>t comme SDF, souv<strong>en</strong>t alcooliques, <strong>en</strong><br />
prison pour meurtre ou p<strong>en</strong>dus au bout d’une corde. Rares sont ceux<br />
qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t frapper à la porte de l’hôpital ; s’ils le font, <strong>et</strong> qu’on peut<br />
<strong>les</strong> garder p<strong>en</strong>dant une très longue période, ils peuv<strong>en</strong>t se reconstruire<br />
suffisamm<strong>en</strong>t pour redev<strong>en</strong>ir « un parmi <strong>les</strong> autres ».<br />
Un anci<strong>en</strong> <strong>en</strong>gagé de l’Indochine avait participé, alors qu’il n’avait que vingt<br />
ans, à un massacre de population civile dans un village. En proie à une