Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
104 CLINIQUE<br />
Ce rapport à l’horreur ne nous est pas complètem<strong>en</strong>t étranger. Il<br />
est observable aussi bi<strong>en</strong> dans la vie quotidi<strong>en</strong>ne que dans la vie des<br />
nations. Et la perpétuation des guerres, de génération <strong>en</strong> génération,<br />
témoigne peut-être moins d’un manque de sagesse chez <strong>les</strong> hommes<br />
que d’un obscur <strong>et</strong> puissant désir de voir couler le sang. Pour des raisons<br />
qui ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t vraisemblablem<strong>en</strong>t à son rapport à l’« originaire » freudi<strong>en</strong>,<br />
l’être parlant est fasciné par l’horreur. Il t<strong>en</strong>te de s’<strong>en</strong> approcher jusqu’au<br />
point de réel où elle pourrait faire trauma. Dans ce mouvem<strong>en</strong>t qui<br />
reste malgré tout précautionneux, la télévision m<strong>et</strong> <strong>en</strong> place un dispositif<br />
idéal. Ce ne sont que des images <strong>et</strong>, <strong>en</strong> tant que tel<strong>les</strong>, el<strong>les</strong> sont<br />
impuissantes à faire franchir au suj<strong>et</strong> la limite, à provoquer l’effraction.<br />
L’horreur peut y être savourée à loisir sans danger.<br />
Les journaux télévisés, certaines émissions médica<strong>les</strong> ou d’actualité<br />
compt<strong>en</strong>t sur ce p<strong>en</strong>chant inavoué pour améliorer leur « audimat ». Il<br />
faut avoir vu <strong>les</strong> journalistes procéder sur le terrain pour se r<strong>en</strong>dre<br />
compte de c<strong>et</strong> impératif pour eux, tout interdit allègrem<strong>en</strong>t transgressé<br />
effectivem<strong>en</strong>t, de chasser l’image choc, celle qui provoquera chez le<br />
spectateur la plus viol<strong>en</strong>te émotion. Après le bombardem<strong>en</strong>t du PC de<br />
la FINUL à Qana au Sud-Liban <strong>en</strong> 1996, plus que le terrible spectacle,<br />
le traumatisme fut pour quelques-uns des Casques bleus français, v<strong>en</strong>us<br />
porter secours, <strong>les</strong> agissem<strong>en</strong>ts des journalistes m<strong>et</strong>tant <strong>en</strong> scène pour<br />
<strong>les</strong> caméras des corps horriblem<strong>en</strong>t mutilés, un <strong>en</strong>fant décapité, <strong>et</strong>c.,<br />
sans que personne ne puisse <strong>les</strong> rappeler à la déc<strong>en</strong>ce (Gautier, 1998).<br />
L’image choc, le névrosé traumatique l’a à l’intérieur de lui, prête<br />
à ressurgir. En particulier dans <strong>les</strong> situations où le réel se montre<br />
à nouveau. L’évolution du trouble est donc <strong>en</strong> partie dép<strong>en</strong>dante de<br />
facteurs externes. Le plus souv<strong>en</strong>t, <strong>les</strong> rechutes (ou même le décl<strong>en</strong>chem<strong>en</strong>t)<br />
sont liées à des événem<strong>en</strong>ts qui ont un rapport avec <strong>les</strong><br />
circonstances ou la nature du trauma. C’est généralem<strong>en</strong>t la télévision<br />
qui fournit aujourd’hui ces occasions. Les images d’un massacre <strong>en</strong><br />
Afrique replongeront dans l’angoisse <strong>et</strong> <strong>les</strong> cauchemars un anci<strong>en</strong> des<br />
guerres colonia<strong>les</strong> ou des interv<strong>en</strong>tions « humanitaires ». Tout att<strong>en</strong>tat<br />
montré à l’écran agira de même sur <strong>les</strong> rescapés des att<strong>en</strong>tats précéd<strong>en</strong>ts,<br />
particulièrem<strong>en</strong>t quand le b<strong>les</strong>sé lui-même apparaît répétitivem<strong>en</strong>t à<br />
l’écran, filmé sur une civière ou un lit d’hôpital. Tout carambolage sur<br />
l’autoroute atteindra le spectateur victime dans le passé d’un accid<strong>en</strong>t<br />
de voiture, toute agression sanglante savamm<strong>en</strong>t mise <strong>en</strong> scène par <strong>les</strong><br />
caméras de télévision, <strong>et</strong>c. Souv<strong>en</strong>t, quel<strong>les</strong> que soi<strong>en</strong>t <strong>les</strong> circonstances,<br />
la seule vue de la viol<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> du sang, prés<strong>en</strong>tée avec le parti pris de ce<br />
média de bi<strong>en</strong> faire voir, m<strong>et</strong> <strong>en</strong> marche le syndrome de répétition traumatique,<br />
parfois pour une longue période, ou aggrave son incid<strong>en</strong>ce. Les