Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />
QUATRE OBSERVATIONS DE PRISES EN CHARGE 215<br />
l’énorme trou noir qui exhale une épaisse fumée. Ses vêtem<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> ses<br />
cheveux sont <strong>en</strong> feu, des g<strong>en</strong>s accour<strong>en</strong>t pour l’éteindre. Il s’aperçoit<br />
alors que sa chaussure droite a été emportée, que ses orteils p<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t<br />
sur le côté, des os sort<strong>en</strong>t de la plaie, <strong>et</strong> qu’il a un trou dans le moll<strong>et</strong>,<br />
Les secours arriv<strong>en</strong>t rapidem<strong>en</strong>t. Il est transporté dans un café puis à<br />
l’hôpital. Avec hésitation, il donne son accord au chirurgi<strong>en</strong> pour une<br />
amputation. À ce mom<strong>en</strong>t de son récit, qu’il nous fait deux ans <strong>et</strong> demi<br />
plus tard, Félix éclate <strong>en</strong> sanglots :<br />
« J’ai lutté, lutté jusqu’à maint<strong>en</strong>ant pour que ça ne soit pas vrai. »<br />
Les soins vont durer plusieurs mois : interv<strong>en</strong>tions chirurgica<strong>les</strong>, trois<br />
tympanoplasties, traitem<strong>en</strong>t des brûlures, greffes, rééducation. Quand<br />
il quitte l’hôpital, il r<strong>et</strong>ourne vivre dans sa chambre, dans un foyer<br />
de jeunes travailleurs. Il a eu le temps de se fâcher avec tout ce qu’il<br />
compte à Paris d’amis <strong>et</strong> de par<strong>en</strong>ts. Il avait le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t que ceux-ci se<br />
moquai<strong>en</strong>t de lui, ou p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t qu’il méritait ce qui lui était arrivé.<br />
Il est difficile de reconstituer ce qu’ont été pour lui ces deux années<br />
après sa sortie de l’hôpital. Il semble qu’il ait vécu terré chez lui, ne<br />
sortant que pour se procurer ce qui était nécessaire à sa survie, <strong>et</strong> pour<br />
se r<strong>en</strong>dre à des séances d’hypnothérapie. L’association SOS-Att<strong>en</strong>tats,<br />
qui suit de près <strong>les</strong> victimes de ce type d’événem<strong>en</strong>t, l’avait incité à<br />
aller consulter un psychiatre pratiquant l’hypnose. C’est c<strong>et</strong>te même<br />
association qui, le voyant plutôt s’aggraver, l’a adressé à l’hôpital<br />
militaire.<br />
Ce que dit Félix de c<strong>et</strong>te longue période, c’est qu’il se méfiait de tout<br />
<strong>et</strong> de tous, qu’il p<strong>en</strong>sait que <strong>les</strong> terroristes étai<strong>en</strong>t à sa recherche pour<br />
« finir le travail », <strong>et</strong> que, lorsqu’il sortait de ses séances d’hypnose,<br />
il avait « l’impression de dev<strong>en</strong>ir fou ». Il n’a pas été simple de le<br />
convaincre de r<strong>en</strong>trer à l’hôpital. Tous ses efforts <strong>psychiques</strong>, comme<br />
nous l’avons vu, visai<strong>en</strong>t à refuser la réalité de ce qui lui était arrivé,<br />
<strong>et</strong> l’hospitalisation signifiait pour lui qu’il abandonnait c<strong>et</strong>te lutte, qu’il<br />
pr<strong>en</strong>ait acte de l’épreuve atroce qu’il avait traversée. Le l<strong>en</strong>demain de<br />
son admission, il téléphone à sa mère <strong>et</strong>, pour la première fois, lui parle<br />
de l’att<strong>en</strong>tat. Il appelle aussi son frère cad<strong>et</strong> qui, <strong>en</strong> principe, ne savait<br />
ri<strong>en</strong> non plus.<br />
Le syndrome de répétition traumatique<br />
Il est au premier plan de la symptomatologie prés<strong>en</strong>tée par le pati<strong>en</strong>t.<br />
Les cauchemars reproduis<strong>en</strong>t fidèlem<strong>en</strong>t tel ou tel mom<strong>en</strong>t de l’expéri<strong>en</strong>ce<br />
traumatique, <strong>les</strong> revivisc<strong>en</strong>ces diurnes survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t plusieurs fois<br />
par jour, à n’importe quel mom<strong>en</strong>t. La mort est prés<strong>en</strong>te partout, aux