Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />
LA PATHOGÉNIE DES MÉDIAS DANS LES ÉVÉNEMENTS TRAUMATIQUES 103<br />
partagerai<strong>en</strong>t avec le public un goût secr<strong>et</strong> pour la transgression des<br />
« lois <strong>les</strong> plus élém<strong>en</strong>taires de l’humanité », goût « refoulé » dans une<br />
époque qui « officiellem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> légalem<strong>en</strong>t » bannit la viol<strong>en</strong>ce. À notre<br />
avis, c’est moins le bannissem<strong>en</strong>t de la viol<strong>en</strong>ce que le déni qui porte<br />
sur ce « goût » des hommes pour la transgression qui caractérise nos<br />
sociétés, <strong>et</strong> qui s’accompagne d’un déni croissant concernant la mort<br />
(Ariès, 1973). À l’occasion d’événem<strong>en</strong>ts tragiques, celle-ci est prés<strong>en</strong>tée<br />
dans l’emballage habituel de la fiction par <strong>les</strong> médias (le roman<br />
policier comme le film « de gangsters » confort<strong>en</strong>t le déni). Elle exerce<br />
alors un attrait considérable tant chez ceux qui produis<strong>en</strong>t l’information<br />
que chez ceux qui la consomm<strong>en</strong>t.<br />
La même information va être reçue bi<strong>en</strong> différemm<strong>en</strong>t par celui pour<br />
qui la mort est dev<strong>en</strong>ue <strong>en</strong> un éclair, au-delà de sa réalité, un réel.<br />
Elle influera sur son dev<strong>en</strong>ir, proche ou lointain, de deux manières.<br />
Par <strong>les</strong> images proposées d’abord, ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t lors de ce rituel<br />
quotidi<strong>en</strong> qu’est dev<strong>en</strong>u le journal télévisé (appelé parfois « l’angélus<br />
du soir » parce qu’il donne le signal du repos après une journée de<br />
travail [Crocq, 1996]). Mais aussi par le comm<strong>en</strong>taire qui accompagne,<br />
dans <strong>les</strong> journaux, à la radio, à la télévision, <strong>les</strong> événem<strong>en</strong>ts-catastrophe.<br />
Citons <strong>en</strong>fin l’avis nuancé de Françoise Rud<strong>et</strong>zki :<br />
« Les médias nous ont aidés dans notre combat. Sans <strong>les</strong> médias, <strong>les</strong><br />
victimes ne serai<strong>en</strong>t pas sorties de l’ombre <strong>et</strong> nous n’aurions pu obt<strong>en</strong>ir<br />
toutes ces avancées juridiques. Par contre, il y a de la part de certains<br />
médias une dérive que nous, victimes, nous ne pouvons plus accepter. »<br />
(Rud<strong>et</strong>zki, 1995).<br />
Dérive dont l’auteur donne quelques exemp<strong>les</strong> particulièrem<strong>en</strong>t choquants.<br />
Pathogénie des images<br />
Nous avons vu à propos du traitem<strong>en</strong>t des névroses traumatiques<br />
anci<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t installées que le pati<strong>en</strong>t pouvait être rétic<strong>en</strong>t à voir disparaître<br />
son syndrome de répétition <strong>et</strong> que, consciemm<strong>en</strong>t ou non, il<br />
était attaché à la scène traumatique, fasciné par elle. Des mécanismes<br />
de déf<strong>en</strong>se se sont mis <strong>en</strong> place perm<strong>et</strong>tant de limiter <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s déstructurants<br />
de c<strong>et</strong>te effraction dans l’appareil psychique du réel de la mort.<br />
On a vu aussi que l’échec de c<strong>et</strong>te limitation conduisait à la folie ou à<br />
la mort. Aussi l’attrait morbide <strong>et</strong> périlleux qu’exerc<strong>en</strong>t « ses » images<br />
sur le suj<strong>et</strong> aura-t-il sa part dans c<strong>et</strong>te pathogénie des médias.