Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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46 CLINIQUE<br />
de la mort de membres de leur famille, souv<strong>en</strong>t leurs <strong>en</strong>fants. Il<br />
faudra beaucoup d’expéri<strong>en</strong>ce <strong>clinique</strong> aux thérapeutes pour <strong>les</strong> aider<br />
à pr<strong>en</strong>dre réellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> compte la disparition de ceux qu’ils aimai<strong>en</strong>t.<br />
Les psychiatres du SAMU mondial (Cremniter, 2005) qui se sont<br />
r<strong>en</strong>dus sur place ont <strong>en</strong> préparation plusieurs publications sur leur<br />
expéri<strong>en</strong>ce ; ceux qui sont restés à Roissy pour l’accueil des Français<br />
évacués ont prés<strong>en</strong>té leur travail à la Société médicopsychologique<br />
(Baub<strong>et</strong>, 2005).<br />
Soit il s’agit d’un effroi prolongé ; le suj<strong>et</strong> ne sort pas de la scène<br />
traumatique qu’il revit de manière hallucinatoire, parfois p<strong>en</strong>dant plusieurs<br />
jours : on lui tire dessus, l’<strong>en</strong>fant ne s’arrête pas de courir vers<br />
la voiture. P<strong>en</strong>dant la guerre de 14-18, un psychiatre français, Millian,<br />
nous a fourni de très bel<strong>les</strong> descriptions de ce type de phénomène,<br />
qu’il appelait « hypnose des batail<strong>les</strong> » (Millian, 1915). La sortie de<br />
c<strong>et</strong> effroi va demander beaucoup de temps <strong>et</strong> de doigté aux thérapeutes.<br />
Il s’agit bi<strong>en</strong> évidemm<strong>en</strong>t dans ces cas de <strong>traumatismes</strong> dans <strong>les</strong>quels<br />
la dim<strong>en</strong>sion de l’horreur est particulièrem<strong>en</strong>t acc<strong>en</strong>tuée (voir chapitre<br />
sur l’effroi).<br />
Les psychoses délirantes aiguës<br />
El<strong>les</strong> naiss<strong>en</strong>t brutalem<strong>en</strong>t dans le contexte d’un état crépusculaire<br />
dans lequel au doute de la dépersonnalisation succède la certitude du<br />
délire : certains se croi<strong>en</strong>t investis d’une mission divine ou promis à<br />
un sacrifice expiatoire. Il peut arriver aussi qu’une période plus ou<br />
moins longue de doute, de perplexité, d’interrogation précède l’éclosion<br />
délirante (Moraud, 1994) qui, dans ce cas, est généralem<strong>en</strong>t un délire<br />
de persécution, structuré selon un mode paranoïaque.<br />
Ahmed est un jeune <strong>en</strong>gagé, français d’origine marocaine. Il est pilote de<br />
char. Avec deux autres blindés français il bloque l’avancée d’un nombre<br />
équival<strong>en</strong>t de T 59 serbes. Ceux-ci se m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t à tirer des obus qui tomb<strong>en</strong>t<br />
<strong>et</strong> explos<strong>en</strong>t de plus <strong>en</strong> plus près. Les prochains vont être <strong>les</strong> bons. Dans<br />
le char d’à côté le lieut<strong>en</strong>ant ne bronche pas. Ahmed est paralysé d’effroi.<br />
Puis <strong>les</strong> Serbes cess<strong>en</strong>t leurs intimidations. Le jeune casque bleu a le vif<br />
s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’avoir été abandonné, que le lieut<strong>en</strong>ant a joué avec sa vie. Il m<strong>et</strong><br />
du temps à recouvrer ses esprits. Mais dans <strong>les</strong> jours suivants, il a t<strong>en</strong>dance<br />
à s’isoler, suffisamm<strong>en</strong>t pour qu’un officier lui demande de s’expliquer. Il finit<br />
par dire qu ’ il s<strong>en</strong>t qu ’ ici on le pr<strong>en</strong>d pour « une taupe irani<strong>en</strong>ne infiltrée ».