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Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge

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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />

LA PATHOGÉNIE DES MÉDIAS DANS LES ÉVÉNEMENTS TRAUMATIQUES 105<br />

psychiatres redout<strong>en</strong>t ces irruptions fracassantes du réel dans le cours<br />

de leurs <strong>prise</strong>s <strong>en</strong> <strong>charge</strong> de ces suj<strong>et</strong>s, qui se traduis<strong>en</strong>t par des temps<br />

d’int<strong>en</strong>se souffrance ou des passages à l’acte graves (généralem<strong>en</strong>t des<br />

t<strong>en</strong>tatives de suicide).<br />

Les conséqu<strong>en</strong>ces des images « à chaud » sont parfois aussi imprévisib<strong>les</strong><br />

que néfastes. Ce suj<strong>et</strong> a été filmé <strong>et</strong> interviewé le l<strong>en</strong>demain<br />

de l’att<strong>en</strong>tat, sur son lit d’hôpital, couvert de bandages, après avoir été<br />

amputé. Il a accepté journalistes <strong>et</strong> caméras « parce que je ne voulais<br />

faire souffrir personne comme j’avais souffert, je ne voulais pas que<br />

<strong>les</strong> journalistes souffr<strong>en</strong>t si je refusais. » La séqu<strong>en</strong>ce dure deux à trois<br />

minutes, son nom <strong>et</strong> son prénom sont incrustés au bas de l’image, <strong>et</strong><br />

le lieu du tournage a été indiqué. Le l<strong>en</strong>demain, il reçoit un coup de<br />

téléphone injurieux <strong>et</strong> très m<strong>en</strong>açant. Il pr<strong>en</strong>d peur. Les poseurs de<br />

bombe vont vouloir « achever leur travail ». La chaîne lui <strong>en</strong>voie la<br />

cass<strong>et</strong>te de son interview. Il ne veut pas la voir : « Je l’ai balancée à<br />

Françoise R. comme on balance une bombe. » Une névrose traumatique<br />

s’installe rapidem<strong>en</strong>t, dominée par la crainte d’être recherché par <strong>les</strong><br />

terroristes. Il n’ose pas sortir de chez lui, gu<strong>et</strong>te <strong>les</strong> bruits dans <strong>les</strong><br />

escaliers. Il faudra une longue hospitalisation <strong>en</strong> psychiatrie pour que<br />

le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de m<strong>en</strong>ace s’estompe.<br />

L. Crocq rappelle que :<br />

« [...] des médecins urg<strong>en</strong>tistes ont souv<strong>en</strong>t déploré que <strong>les</strong> grands b<strong>les</strong>sés<br />

se soi<strong>en</strong>t trouvés choqués <strong>en</strong> se découvrant déchiqu<strong>et</strong>és <strong>et</strong> sanglants sur<br />

<strong>les</strong> écrans de télévision <strong>et</strong> <strong>les</strong> photographies <strong>en</strong> couleur des magazines à<br />

spectacle, alors que, jusqu’alors, ils ne se voyai<strong>en</strong>t pas dans c<strong>et</strong> état. Par la<br />

maladresse des médias, l’altération de l’“ image du corps ” est dev<strong>en</strong>ue,<br />

pour ces b<strong>les</strong>sés, un phénomène visible, concr<strong>et</strong>, <strong>et</strong> qui demeurera t<strong>en</strong>ace.<br />

Certains b<strong>les</strong>sés se constitu<strong>en</strong>t même un dossier, qu’ils contempl<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>suite itérativem<strong>en</strong>t dans une fascination morbide qui désespère leur<br />

psychiatre. » (Crocq, 1996).<br />

Ces histoires <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> d’autres plaid<strong>en</strong>t pour que <strong>les</strong> journalistes soi<strong>en</strong>t<br />

empêchés de filmer <strong>les</strong> pati<strong>en</strong>ts rescapés sur leurs civières, dans <strong>les</strong><br />

ambulances, <strong>les</strong> hôpitaux <strong>et</strong> <strong>les</strong> c<strong>en</strong>tres de consultation. Sur <strong>les</strong> lieux<br />

du drame, il est préférable que sauv<strong>et</strong>eurs <strong>et</strong> victimes s’absti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de<br />

toute communication à la presse : leur état émotionnel <strong>les</strong> amène à t<strong>en</strong>ir<br />

des propos qu’ils pourront regr<strong>et</strong>ter par la suite. De surcroît, ils <strong>et</strong> el<strong>les</strong><br />

sort<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t choqués, ahuris, profondém<strong>en</strong>t b<strong>les</strong>sés du montage qui<br />

a été fait de leurs interviews <strong>et</strong> <strong>en</strong> dénature le s<strong>en</strong>s (Damiani, 1997).<br />

D’autres images sans rapport avec l’actualité peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>traîner des<br />

ravages. Ainsi une publicité pour une marque de « jeans » a suscité un

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