Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />
QUATRE OBSERVATIONS DE PRISES EN CHARGE 211<br />
du plus fort. » Il p<strong>en</strong>se que ça explique son désir de se couper <strong>en</strong> deux,<br />
de se couper la tête (sous le métro), ou de tuer tout le monde <strong>et</strong> de<br />
se tuer après. Avoir la tête coupée, c’est certes une punition pour ses<br />
désirs incestueux <strong>et</strong> ses désirs de mort <strong>en</strong>vers sa mère (rappelons-nous<br />
le cauchemar traumatique : « Tue-la, tue-la ! »), mais c’est aussi la<br />
sanction qu’appelle sa « toute-puissance à faire le mal » (« Je ne me<br />
s<strong>en</strong>s pas humain, je suis exclu de l’humanité, je suis fasciné par ces<br />
scènes ») <strong>et</strong> c’est <strong>en</strong>fin un désir de castration : il est allé un jour voir un<br />
médecin pour une ablation de ses testicu<strong>les</strong>.<br />
Encore un mois <strong>et</strong> Pierre fait ce rêve : il est poursuivi <strong>et</strong> arrêté par<br />
un policier. Il s<strong>en</strong>t d’autour de sa tête un obj<strong>et</strong> difficile à id<strong>en</strong>tifier, ça<br />
ressemble à la couronne d’épines du Christ « au-dessus de mes yeux ».<br />
Quand il approche c<strong>et</strong> obj<strong>et</strong> de sa peau, il change de couleur <strong>et</strong> se <strong>charge</strong><br />
d’amandes [avec un e ou avec un a ?] comme « <strong>les</strong> différ<strong>en</strong>tes couches<br />
de ma p<strong>en</strong>sée ». L’obj<strong>et</strong> complètem<strong>en</strong>t dégagé de sa tête, il s<strong>en</strong>t un<br />
imm<strong>en</strong>se soulagem<strong>en</strong>t, une joie, <strong>et</strong> il se réveille.<br />
Lors de l’<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong> suivant, quelques jours après, il a <strong>en</strong>core « compris<br />
» quelque chose : « J’ai compris la source de ma culpabilité. Quand<br />
je voyais <strong>les</strong> scènes <strong>en</strong>tre mon père <strong>et</strong> ma mère, je ne pouvais pas ne pas<br />
p<strong>en</strong>ser que c’était moi le coupable. C’était pour <strong>les</strong> épargner. » Plus<br />
tard il ira plus loin : s’il ne se souvi<strong>en</strong>t pas des coups qu’il recevait<br />
de son père (<strong>et</strong> qui sont m<strong>en</strong>tionnés sur le rapport de la DASS), c’est<br />
qu’il a dû p<strong>en</strong>ser à ce mom<strong>en</strong>t-là qu’il y avait <strong>en</strong>tre eux une complicité<br />
<strong>et</strong> que c’était lui, l’<strong>en</strong>fant, qui le faisait agir comme ça. C’est pour ça<br />
que dans ses cauchemars il se montrait actif <strong>et</strong> l’incitait à tuer sa mère.<br />
L’appar<strong>en</strong>ce purem<strong>en</strong>t logique de ce raisonnem<strong>en</strong>t déductif ne doit pas<br />
nous tromper. C’est à l’inverse des r<strong>et</strong>rouvail<strong>les</strong> qui lui perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t de<br />
donner du s<strong>en</strong>s à l’inexplicable, c<strong>et</strong>te pulsion à détruire celle qu’il aimait<br />
<strong>et</strong> haïssait avec la même force aveugle.<br />
Les derniers <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>s s’accompagn<strong>en</strong>t d’un changem<strong>en</strong>t profond<br />
chez Pierre. Il ne compr<strong>en</strong>d plus pourquoi il voulait se tuer, il a <strong>en</strong>vie de<br />
profiter de la vie <strong>et</strong> c’est ce qu’il va faire désormais, effectivem<strong>en</strong>t.<br />
Deuxième épilogue<br />
La question du trauma est définitivem<strong>en</strong>t réglée. Pierre a ôté sa<br />
couronne d’épines <strong>et</strong> il se s<strong>en</strong>t heureux <strong>et</strong> léger. Il ne rôdera plus jamais<br />
dans <strong>les</strong> parages de l’originaire. Reste le problème œdipi<strong>en</strong> : il craint le<br />
désir amoureux <strong>et</strong> il remarque que dans son discours, chaque fois qu’il<br />
parle de femmes il finit toujours par parler de sa mère.