Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />
CONSÉQUENCES À COURT ET MOYEN TERME DU TRAUMATISME 49<br />
savoir que ces réactions au traumatisme peuv<strong>en</strong>t m<strong>et</strong>tre plusieurs heures<br />
ou jours pour apparaître, ou se prolonger sur une durée relativem<strong>en</strong>t<br />
longue. Cela n’est pas sans importance dans la pratique des soins<br />
immédiats <strong>et</strong> post-immédiats.<br />
L’exemple ci-dessous montre à quel point il est parfois artificiel de<br />
distinguer <strong>clinique</strong>m<strong>en</strong>t des réactions immédiates, précoces ou à moy<strong>en</strong><br />
<strong>et</strong> long terme. Nous avons une autre raison de produire ce texte, c’est<br />
qu’il est de la plume de l’intéressé <strong>et</strong> que <strong>les</strong> phénomènes psychopathologiques<br />
<strong>en</strong> cause y sont vus « de l’intérieur ».<br />
Stéphane<br />
Stéphane a vingt-cinq ans à l’époque. C’est un jeune homme qui sort d’une<br />
école prestigieuse, brillant, <strong>et</strong> qui vi<strong>en</strong>t d’être affecté dans une <strong>en</strong>tre<strong>prise</strong> de<br />
province. Un des premiers soirs qui suiv<strong>en</strong>t son arrivée, il se r<strong>et</strong>rouve par<br />
hasard dans un night-club. Lorsqu’il se lève pour sortir il se r<strong>en</strong>d compte que<br />
sa démarche est incertaine. Des consommateurs se lèv<strong>en</strong>t pour l’aider <strong>et</strong> lui<br />
propos<strong>en</strong>t de le raccompagner jusqu’à son lieu d’hébergem<strong>en</strong>t qui n’est pas<br />
loin. Ils l’amèn<strong>en</strong>t dans sa chambre <strong>et</strong> ferm<strong>en</strong>t la porte derrière eux, ils sont<br />
quatre <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t une séance de viol collectif d’une extrême brutalité,<br />
tant dans <strong>les</strong> moy<strong>en</strong>s de cont<strong>en</strong>tion que de sodomisation. Stéphane perd<br />
connaissance plusieurs fois sous l’eff<strong>et</strong> de la douleur. Il est persuadé qu’ils<br />
vont le tuer. Il se réveille le l<strong>en</strong>demain, ayant complètem<strong>en</strong>t « oublié » ce<br />
qui s’est passé p<strong>en</strong>dant la nuit. Là comm<strong>en</strong>ce le récit qu’il a fait pour<br />
nous par écrit, <strong>en</strong> nous autorisant à l’insérer dans ce livre. Le récit, nous<br />
ne le r<strong>et</strong>ranscrirons pas dans sa totalité, faute de place. Toutefois, nous<br />
respecterons <strong>les</strong> passages <strong>les</strong> plus significatifs pour notre propos.<br />
« Mon état dans <strong>les</strong> jours suivant <strong>les</strong> viols :<br />
Le souv<strong>en</strong>ir de ces événem<strong>en</strong>ts est à distinguer radicalem<strong>en</strong>t de la mémoire<br />
des viols. Il est classique. Ces faits n’ont pas été occultés mais leur pertin<strong>en</strong>ce<br />
n’a pu être normalem<strong>en</strong>t appréh<strong>en</strong>dée. Leur souv<strong>en</strong>ir s’est estompé<br />
avec le temps comme n’importe quel autre <strong>et</strong> a naturellem<strong>en</strong>t été réactivé<br />
lors de la <strong>prise</strong> consci<strong>en</strong>ce des viols comme s’inscrivant dans le contexte<br />
de l’époque <strong>et</strong> l’éclairant.<br />
Aujourd’hui, je p<strong>en</strong>se que c<strong>et</strong> émoussem<strong>en</strong>t a donné l’illusion d’une<br />
mémoire ordinaire, mais qu’il est empreint de toute évid<strong>en</strong>ce d’un<br />
phénomène général d’évitem<strong>en</strong>t plus complexe, compte t<strong>en</strong>u du caractère<br />
hors normes des symptômes liés <strong>et</strong> de la marque qu’ils aurai<strong>en</strong>t<br />
manifestem<strong>en</strong>t dû laisser. Et de l’exceptionnelle précision avec laquelle<br />
je me rappelle de ces faits.<br />
Ces états nécessitai<strong>en</strong>t une hospitalisation immédiate.<br />
Le matin de la nuit où j’ai subi ce viol collectif, je me r<strong>et</strong>rouve sans souv<strong>en</strong>ir<br />
de ce qui m’est arrivé <strong>en</strong>tre le mom<strong>en</strong>t où je me suis <strong>en</strong>dormi <strong>et</strong> celui où je<br />
me réveille.<br />
J’émerge d’une sorte de coma.