Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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194 THÉRAPEUTIQUE<br />
coupable : un de ses jeunes frères, appelons-le Saïd, <strong>en</strong>gagé dans la<br />
mouvance islamiste, a été tué par la police il y a deux ans. Et c<strong>et</strong>te<br />
perte terrible ne lui a pas provoqué de réaction comparable à celle qui a<br />
suivi l’att<strong>en</strong>tat ; pourtant elle était très attachée à ce garçon.<br />
Sa vie est marquée par de nombreux épisodes viol<strong>en</strong>ts. À vingt-cinq<br />
ans, elle est mariée par sa famille à un homme brutal qui la bat <strong>et</strong><br />
la viole. Elle lui attribue la responsabilité d’une fausse couche d’un<br />
fœtus de cinq mois. Plus loin dans le temps, elle évoque une période<br />
très angoissante au cours de laquelle son père a développé un délire<br />
paranoïaque. Il accusait l’aîné de ses fils de coucher avec sa mère,<br />
<strong>et</strong> il fallut l’hospitaliser le jour où il s’est mis à le poursuivre avec<br />
une hache. Plus loin <strong>en</strong>core, lorsqu’elle a douze ans, un de ses frères<br />
lui inflige des caresses incestueuses, à la limite du viol. Et dans son<br />
ado<strong>les</strong>c<strong>en</strong>ce, jusqu’à son mariage, sa mère avec laquelle elle était <strong>en</strong><br />
conflit perman<strong>en</strong>t depuis toujours, lui imposait périodiquem<strong>en</strong>t des<br />
vérifications de sa virginité par des matrones du voisinage.<br />
Au fur <strong>et</strong> à mesure que Leila déroule son histoire, des changem<strong>en</strong>ts<br />
apparaiss<strong>en</strong>t dans ses cauchemars. C’est d’abord son frère assassiné,<br />
Saïd, qui est victime de l’att<strong>en</strong>tat <strong>et</strong> qui lui apparaît le visage tout<br />
<strong>en</strong>sanglanté. Une fois c’est sa mère qui est touchée à la tête par une<br />
« explosion de verre », elle t<strong>en</strong>te d’arrêter le sang de couler <strong>et</strong> se réveille<br />
au mom<strong>en</strong>t où elle dit : « Ne meurs pas maman. »<br />
L’hospitalisation dure trois semaines <strong>et</strong> sera suivie d’une <strong>prise</strong> <strong>en</strong><br />
<strong>charge</strong> psychothérapique, à raison d’un <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong> hebdomadaire, qui<br />
durera quatre ans. En fait, ce suivi sera très irrégulier, <strong>et</strong> plusieurs<br />
ré-hospitalisations seront nécessaires, soit à la suite d’une t<strong>en</strong>tative de<br />
suicide, généralem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> relation avec l’échec d’une liaison affective<br />
<strong>et</strong> sexuelle, soit <strong>en</strong> raison d’événem<strong>en</strong>ts surv<strong>en</strong>us <strong>en</strong> Algérie <strong>et</strong> qui la<br />
plong<strong>en</strong>t dans une angoisse insout<strong>en</strong>able. Le plus décisif de ceux-ci est<br />
l’<strong>en</strong>lèvem<strong>en</strong>t par la police d’un autre frère, égalem<strong>en</strong>t islamiste, <strong>et</strong> sa<br />
disparition. Nous ne donnerons ici que <strong>les</strong> temps forts d’une <strong>prise</strong> <strong>en</strong><br />
<strong>charge</strong> extrêmem<strong>en</strong>t mouvem<strong>en</strong>tée, fertile <strong>en</strong> passages à l’acte de toutes<br />
sortes, <strong>en</strong> dérobades, mais riche quant au travail psychique effectué.<br />
Après la disparition de son frère, Leila fait ce rêve : son père la<br />
contraint à avoir un rapport sexuel avec le disparu. Dans ce rapport,<br />
elle se vide de son sang pour <strong>en</strong> remplir son frère (remplir son frère<br />
de vie, comm<strong>en</strong>te-t-elle). Puis sa mère lui demande si elle est <strong>en</strong>ceinte<br />
de son frère <strong>et</strong> l’autre frère, Saïd, celui qui a été assassiné, la traite de<br />
prostituée. Ce rêve la ramène à l’att<strong>en</strong>tat. Elle avait p<strong>en</strong>sé alors que<br />
celui-ci était une punition pour une IVG qu’elle avait faite <strong>en</strong> France <strong>et</strong><br />
qui lui avait donné le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’être « salie ». Elle interprète son rêve