Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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22 CLINIQUE<br />
Contrairem<strong>en</strong>t aux autres hommes, il devi<strong>en</strong>t alors incapable de faire<br />
des proj<strong>et</strong>s à court, moy<strong>en</strong> ou long terme :<br />
« La question qui m’est posée de savoir où je vais passer mes vacances<br />
l’été prochain me paraît incongrue. »<br />
Ce rapport à la mort donne au suj<strong>et</strong> le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t douloureux d’être<br />
dev<strong>en</strong>u différ<strong>en</strong>t des autres, de vivre sur « une autre planète ». Le pati<strong>en</strong>t<br />
connaît, là, un véritable écroulem<strong>en</strong>t narcissique qui participe de ce fond<br />
de tristesse perman<strong>en</strong>te avec accès dépressifs, voire suicidaires, qui sont<br />
si fréqu<strong>en</strong>ts chez <strong>les</strong> traumatisés. Paradoxalem<strong>en</strong>t, se donner la mort, ici,<br />
est une façon de récupérer son immortalité (Lacan, 1968). Par ailleurs,<br />
l’image traumatique exerce progressivem<strong>en</strong>t un eff<strong>et</strong> de fascination qui<br />
plaide pour des soins précoces. Sans le savoir le suj<strong>et</strong> finit par être attaché<br />
à son trauma <strong>et</strong> arrive à ne plus vouloir se défaire de ses cauchemars<br />
<strong>et</strong> de ses revivisc<strong>en</strong>ces. On peut approcher (de loin) ce phénomène dans<br />
le comportem<strong>en</strong>t des g<strong>en</strong>s dans la vie courante. Lorsqu’il y a un accid<strong>en</strong>t<br />
sur la voie publique, <strong>les</strong> passants s’attroup<strong>en</strong>t <strong>et</strong> cherch<strong>en</strong>t à <strong>en</strong> voir le<br />
plus possible. La télévision réalise ses audimats maximums avec des<br />
images particulièrem<strong>en</strong>t horrib<strong>les</strong>. Enfin, depuis l’aube des temps, <strong>les</strong><br />
hommes se font la guerre dans un état d’excitation qui ne trompe pas.<br />
C<strong>et</strong>te fascination est aussi jouissance au s<strong>en</strong>s lacani<strong>en</strong> du terme.<br />
La mise à l’écart des représ<strong>en</strong>tations<br />
Dans son traj<strong>et</strong>, l’image traumatique ne r<strong>en</strong>contre aucune représ<strong>en</strong>tation<br />
; cel<strong>les</strong>-ci sont comme mises à l’écart de par l’espace qu’occupe<br />
le néant <strong>en</strong> train de s’installer. C’est le temps de l’effroi, sans p<strong>en</strong>sées,<br />
sans idées, sans mots. Le suj<strong>et</strong> se vit comme ayant été abandonné par<br />
le langage, c’est-à-dire par ce qui fait l’être de l’homme. Il traduit c<strong>et</strong>te<br />
expéri<strong>en</strong>ce indicible comme un abandon par l’<strong>en</strong>semble des humains,<br />
mêlé d’un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de honte devant sa déshumanisation. Dans le récit<br />
que le suj<strong>et</strong> fait de l’événem<strong>en</strong>t, il se désigne souv<strong>en</strong>t lui-même comme<br />
un animal : « J’ai été réduit à l’état de bête. »<br />
Chez un pati<strong>en</strong>t, c’est le RER lui-même qui devi<strong>en</strong>t « lion » : « Il a dévoré<br />
des hommes <strong>et</strong> à moi il a <strong>en</strong>levé un morceau de ma chair. »<br />
Ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’abandon est d’autant plus fort qu’il y a eu un abandon<br />
réel. En voici deux exemp<strong>les</strong> :