Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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116 THÉRAPEUTIQUE<br />
interjections pour produire un récit aussi riche <strong>et</strong> ordonné que possible<br />
de l’expéri<strong>en</strong>ce qu’elle a traversée.<br />
Il ne s’agit pas ici d’obt<strong>en</strong>ir le « récit de Théramène » dont le professeur<br />
Crocq a bi<strong>en</strong> raison de se méfier, mais une parole créatrice qui, du<br />
fait même qu’elle est possible <strong>et</strong> contourne le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’indicible, va<br />
surpr<strong>en</strong>dre le suj<strong>et</strong> lui-même : qu’a-t-il vu ? qu’a-t-il ress<strong>en</strong>ti ? qu’a-t-il<br />
p<strong>en</strong>sé aux différ<strong>en</strong>ts mom<strong>en</strong>ts de ce cauchemar dans lequel il a été<br />
plongé, mais aussi avant <strong>et</strong> après ?<br />
C<strong>et</strong> effort pour dire à quelqu’un qu’il est <strong>en</strong>core au sortir de l’<strong>en</strong>fer<br />
est une première <strong>en</strong>taille dans ce bloc de réel qu’est le trauma.<br />
LA CATHARSIS DANS L’ANTIQUITÉ GRECQUE ET EN<br />
AFRIQUE NOIRE<br />
Serait-ce cela la catharsis au s<strong>en</strong>s que <strong>les</strong> philosophes grecs lui ont<br />
donné ? Elle s’opposerait alors point par point à l’abréaction <strong>et</strong> produirait<br />
chez le suj<strong>et</strong> un auth<strong>en</strong>tique soulagem<strong>en</strong>t, mot que l’on r<strong>et</strong>rouve<br />
comme but assigné à la catharsis chez Platon comme chez Aristote.<br />
C’est effectivem<strong>en</strong>t ce que nous constatons dans notre pratique, ce que<br />
nous dis<strong>en</strong>t nos pati<strong>en</strong>ts à l’<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong> suivant : ils sont sortis épuisés de<br />
la première r<strong>en</strong>contre puis ils ont dormi comme jamais ils n’aurai<strong>en</strong>t cru<br />
pouvoir dormir.<br />
« Cathare » <strong>en</strong> grec veut dire « propre », « pur », au s<strong>en</strong>s propre<br />
comme au s<strong>en</strong>s figuré <strong>et</strong>, à l’époque, religieux. La catharsis est d’abord<br />
une purification. C’est Hippocrate, le premier, qui élabore ce concept :<br />
pour lui, la bonne répartition des humeurs, clef de la santé, exige le<br />
dégorgem<strong>en</strong>t (la catharsis) d’une humeur surabondante (Dictionnaire<br />
historique de la langue française, 1993). Les philosophes, Platon <strong>et</strong><br />
Aristote <strong>en</strong>tre autres, vont tirer l’action dans le champ de la morale. Il<br />
sera question pour eux du soulagem<strong>en</strong>t de l’âme par la satisfaction d’un<br />
besoin moral. Au s<strong>en</strong>s religieux, référ<strong>en</strong>ce sera faite aux cérémonies<br />
de purification auxquel<strong>les</strong> étai<strong>en</strong>t soumis <strong>les</strong> candidats à l’initiation, <strong>en</strong><br />
particulier dans <strong>les</strong> mystères d’Eleusis.<br />
Nous éviterons ici la référ<strong>en</strong>ce au théâtre <strong>et</strong> à la musique chez<br />
Aristote (voir sur ce suj<strong>et</strong> Lacan, Le Séminaire VII) qui compliquerait<br />
notre propos. Ces précisions sur le champ sémantique que véhicule le<br />
mot de catharsis, vont nous éclairer sur la spécificité de son emploi dans<br />
le traitem<strong>en</strong>t du trauma.<br />
En Afrique noire, <strong>les</strong> rituels thérapeutiques, lorsqu’ils vis<strong>en</strong>t <strong>les</strong><br />
désordres m<strong>en</strong>taux, ont une grande force. Il s’agit à chaque fois de