Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />
QUATRE OBSERVATIONS DE PRISES EN CHARGE 199<br />
au comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t des « aménagem<strong>en</strong>ts limites », comme « premier<br />
désorganisateur de l’évolution psychique du suj<strong>et</strong> » (Berger<strong>et</strong>, 1979).<br />
Pierre, vingt ans, appelé du conting<strong>en</strong>t<br />
Au mois de décembre 1993, Pierre a vingt ans. Il est appelé pour<br />
faire son service militaire. Il est plutôt satisfait de c<strong>et</strong>te convocation qui<br />
va l’extraire de l’<strong>en</strong>fer du huis clos familial, <strong>et</strong> il a même l’idée qu’après<br />
son temps légal, il sera candidat à l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t.<br />
La période des « classes » se passe de plus <strong>en</strong> plus mal, il ne parvi<strong>en</strong>t<br />
pas à se fondre dans sa section parce qu’il se s<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>t<br />
des autres. Au bout d’un mois, il a droit à une permission de week-<strong>en</strong>d<br />
<strong>et</strong> r<strong>et</strong>ourne chez sa mère avec laquelle il vit, ainsi que sa sœur cad<strong>et</strong>te.<br />
Le dimanche soir, peu avant de repr<strong>en</strong>dre le train, sa mère le découvre<br />
sur son lit, à moitié <strong>en</strong>dormi, baignant dans une mare de sang. Elle<br />
fait effectuer <strong>les</strong> premiers soins <strong>et</strong> téléphone à la garnison pour qu’un<br />
véhicule militaire vi<strong>en</strong>ne le récupérer. Un médecin militaire se déplace<br />
de Paris <strong>et</strong> le fait immédiatem<strong>en</strong>t adm<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> service de psychiatrie à<br />
l’hôpital Percy.<br />
Interrogeable, Pierre raconte sa t<strong>en</strong>tative de suicide. Il a absorbé de<br />
l’alcool, puis tous <strong>les</strong> médicam<strong>en</strong>ts qui traînai<strong>en</strong>t dans la pharmacie<br />
familiale, puis il a procédé à de multip<strong>les</strong> scarifications <strong>et</strong> phlébotomies<br />
sur ses mains <strong>et</strong> ses avant-bras. Sur la face dorsale de sa main droite, il<br />
a découpé profondém<strong>en</strong>t une pastille de chair d’un c<strong>en</strong>timètre <strong>et</strong> demi<br />
de diamètre <strong>et</strong> il l’a mangée. Il ignore <strong>les</strong> raisons de c<strong>et</strong> acte étrange,<br />
qu’il banalise. Il n’avait d’ailleurs aucune raison de faire une t<strong>en</strong>tative<br />
de suicide à ce mom<strong>en</strong>t-là : l’armée lui plaît bi<strong>en</strong>, affirme-t-il (on saura<br />
plus tard qu’il ne s’y adapte pas) <strong>et</strong> il ne veut pas être réformé. Il est<br />
gardé <strong>en</strong> hospitalisation.<br />
Premier temps de la <strong>prise</strong> <strong>en</strong> <strong>charge</strong><br />
Les premiers <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>s se mainti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à un niveau purem<strong>en</strong>t informatif.<br />
Le pati<strong>en</strong>t ne se plaint pas d’être <strong>en</strong> psychiatrie mais il n’att<strong>en</strong>d<br />
ri<strong>en</strong> des g<strong>en</strong>s qui s’occup<strong>en</strong>t de lui.<br />
Il est né à Paris. Son père est d’origine algéri<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> il sait très peu<br />
de chose de lui :<br />
« C’est un malade, il est viol<strong>en</strong>t. »<br />
Il y a dix ans qu’il ne l’a pas revu :<br />
« Il doit être mort. »