Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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150 THÉRAPEUTIQUE<br />
souv<strong>en</strong>ait plus, « un trou noir », <strong>et</strong> que c’était pour c<strong>et</strong>te raison qu’elle n’<strong>en</strong><br />
avait pas parlé la semaine précéd<strong>en</strong>te. Pourtant elle était d’accord avec<br />
nous sur l’importance de ce qui s’était passé pour elle à l’arrivée de c<strong>et</strong>te<br />
seconde vague : <strong>les</strong> jours suivants l’ont confirmé.<br />
Mais il n’y a pas que le traitem<strong>en</strong>t de l’image traumatique qui est<br />
ici <strong>en</strong> cause, il y a aussi la question de l’expéri<strong>en</strong>ce d’abandon <strong>et</strong> de<br />
déshumanisation dont <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s délétères pour l’av<strong>en</strong>ir de ces suj<strong>et</strong>s ont<br />
déjà été soulignés. Dans le débriefing individuel <strong>et</strong> le ou <strong>les</strong> <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>s<br />
qui vont suivre, le transfert s’installe rapidem<strong>en</strong>t. Le transfert, cela veut<br />
dire qu’un li<strong>en</strong> de parole s’instaure <strong>en</strong>tre un être humain <strong>et</strong> un autre être<br />
humain. La victime repr<strong>en</strong>d place ainsi, au moins dans le temps de la<br />
séance, parmi <strong>les</strong> êtres parlants, car la parole qui circule ici n’est pas un<br />
message informatif dévitalisé mais une parole qui pr<strong>en</strong>d sa source dans<br />
le stock des signifiants consci<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> inconsci<strong>en</strong>ts dans lequel le suj<strong>et</strong><br />
peut puiser. C’est ainsi seulem<strong>en</strong>t qu’il peut vraim<strong>en</strong>t espérer rejoindre<br />
« le monde des vivants ».<br />
Dans le débriefing collectif, l’eff<strong>et</strong> transfér<strong>en</strong>tiel est plus complexe<br />
dans la mesure où s’il s’amorce initialem<strong>en</strong>t avec le ou <strong>les</strong> débriefeurs,<br />
son véritable part<strong>en</strong>aire est le groupe des semblab<strong>les</strong>, ceux qui, comme<br />
le suj<strong>et</strong>, ont appart<strong>en</strong>u, fut-ce un instant, au royaume des ombres. La<br />
parole qui circule dans le débriefing collectif a pour eff<strong>et</strong> de reconstituer<br />
une communauté humaine dans laquelle chacun r<strong>et</strong>rouve sa place <strong>et</strong><br />
travaille avec <strong>les</strong> autres à se dégager de la fascination du néant.<br />
En 1995 <strong>et</strong> dans <strong>les</strong> années suivantes, <strong>les</strong> thérapeutes interv<strong>en</strong>ant<br />
<strong>en</strong> France auprès des victimes se sont heurtés à des contestations de<br />
la part des milieux psychanalytiques. En eff<strong>et</strong>, il nous était reproché,<br />
comme nous l’avons dit à propos des soins immédiats, de faire des<br />
offres aux pati<strong>en</strong>ts au lieu d’att<strong>en</strong>dre leur demande <strong>et</strong> de distordre ainsi<br />
la relation thérapeutique. <strong>Traiter</strong> la demande <strong>et</strong> la faire évoluer est <strong>en</strong><br />
eff<strong>et</strong> un excell<strong>en</strong>t principe pour la psychothérapie du névrotique. Mais<br />
l’expéri<strong>en</strong>ce avait montré, jusque-là, que <strong>les</strong> victimes d’un traumatisme<br />
ne formulai<strong>en</strong>t jamais de demande auprès d’un thérapeute, ou alors<br />
très tardivem<strong>en</strong>t, lorsque leur pathologie <strong>les</strong> conduisait à des situations<br />
extrêmes. Ce que ces psychanalystes ne compr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pas,<br />
« C’est qu’ici, <strong>en</strong> cas de traumatisme psychique, <strong>et</strong> contrairem<strong>en</strong>t à ce<br />
qui se passe habituellem<strong>en</strong>t dans le champ de la névrose, le point de<br />
souffrance n’a aucun support dans le signifiant. À partir de lui, ne peut<br />
donc pas naître une demande. Les suj<strong>et</strong>s ne sav<strong>en</strong>t pas quoi faire de<br />
c<strong>et</strong>te image du réel de la mort <strong>et</strong> n’imagin<strong>en</strong>t pas qu’ils puiss<strong>en</strong>t avoir