Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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174 THÉRAPEUTIQUE<br />
Xavier<br />
Xavier est un jeune g<strong>en</strong>darme. À Mitroviça il est pris dans une échauffourée<br />
extrêmem<strong>en</strong>t viol<strong>en</strong>te avec des Kosovars. Les g<strong>en</strong>darmes ont pour ordre<br />
de ne pas tirer. Un revolver se lève vers son visage <strong>et</strong> il voit dans <strong>les</strong> yeux<br />
de celui qui le ti<strong>en</strong>t qu’il va tirer. Il n’y aura pas de tués dans c<strong>et</strong>te chaude<br />
affaire, ni de b<strong>les</strong>sés.<br />
À son r<strong>et</strong>our <strong>en</strong> France, Xavier prés<strong>en</strong>te des cauchemars <strong>et</strong> se s<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
méforme. À son affectation suivante, un soir il pr<strong>en</strong>d une voiture de service<br />
pour aller boire <strong>en</strong> ville, <strong>et</strong> au r<strong>et</strong>our il a un accid<strong>en</strong>t. Il va être radié de la<br />
g<strong>en</strong>darmerie, mais le médecin-chef trouve c<strong>et</strong>te affaire bizarre, c<strong>et</strong> homme<br />
avait jusque-là été très bi<strong>en</strong> noté. Il demande qu’il soit vu par un psychiatre.<br />
Ri<strong>en</strong> d’étonnant à ce que le suj<strong>et</strong> accepte d’être mis <strong>en</strong> congé de maladie<br />
<strong>et</strong> de comm<strong>en</strong>cer une psychothérapie. Il arrive sur la question paternelle.<br />
Son père faisait son service militaire <strong>en</strong> Algérie alors qu’il était un tout p<strong>et</strong>it<br />
garçon. Il l’a vu rev<strong>en</strong>ir lorsqu’il était dans sa quatrième année. Son père<br />
est mort six à sept ans plus tard. Xavier dit qu’il avait <strong>et</strong> qu’il a <strong>en</strong>core une<br />
vénération pour lui. S’il est parti au Kosovo, c’est faute d’avoir pu être affecté<br />
<strong>en</strong> Algérie : « Le Kosovo, c’est mon Algérie à moi. » Nous avons déjà parlé<br />
de l’importance que peut avoir le contexte signifiant du trauma à propos<br />
de l’observation de Loïc, on r<strong>et</strong>rouve quelque chose du même ordre ici.<br />
D’autant plus qu’après la mort de son père, il a fouillé dans ses affaires. Il a<br />
trouvé des photos de lui au r<strong>et</strong>our de son service <strong>et</strong> a remarqué son visage<br />
fatigué, avec une expression de souffrance : « Il devait avoir une névrose<br />
traumatique comme moi. »<br />
Il fait une découverte, deux oreil<strong>les</strong> séchées attachées par une ficelle. Il<br />
m<strong>et</strong> du temps à compr<strong>en</strong>dre le s<strong>en</strong>s de ce trophée, trophée qu’il parvi<strong>en</strong>t à<br />
oublier jusqu’à aujourd’hui.<br />
Quelques <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>s plus loin il raconte un rêve. Il donne la main à sa tante<br />
<strong>et</strong> ils pass<strong>en</strong>t devant un cim<strong>et</strong>ière. À son grand étonnem<strong>en</strong>t ce rêve lui<br />
rappelle un souv<strong>en</strong>ir qui lui revi<strong>en</strong>t avec une grande clarté. Il est <strong>en</strong>core<br />
un <strong>en</strong>fant <strong>et</strong> il passe avec sa tante devant un cim<strong>et</strong>ière. C’est là qu’est<br />
<strong>en</strong>terré son père. Il t<strong>en</strong>d son bras, le poing serré, vers la nécropole <strong>et</strong> crie<br />
un chapel<strong>et</strong> d’injures, toutes cel<strong>les</strong> qu’un <strong>en</strong>fant bi<strong>en</strong>tôt ado<strong>les</strong>c<strong>en</strong>t peut<br />
connaître. La fois suivante il demande à arrêter sa psychothérapie : « Je<br />
crois qu’il y a des choses que je n’ai pas <strong>en</strong>vie de savoir. » Il a repris son<br />
service depuis longtemps <strong>et</strong> le trauma n’est pas plus gênant qu’un souv<strong>en</strong>ir.<br />
Nous avons choisi ces trois observations exposées dans le rapport<br />
du Congrès de neurologie <strong>et</strong> de psychiatrie de langue française (2005)<br />
parce qu’el<strong>les</strong> sont directem<strong>en</strong>t lisib<strong>les</strong>. Dans chacune la problématique<br />
œdipi<strong>en</strong>ne se dégage avec pur<strong>et</strong>é comme support de l’effraction traumatique.<br />
À chaque fois le suj<strong>et</strong> est <strong>en</strong> faute par rapport à la « castration<br />
symbolique » <strong>et</strong> reste fixé sur des positions infanti<strong>les</strong>. C’est ce qui<br />
ressort de toute psychothérapie de névrose traumatique.