Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />
LA PATHOGÉNIE DES MÉDIAS DANS LES ÉVÉNEMENTS TRAUMATIQUES 107<br />
journalistes ai<strong>en</strong>t découpé dans leurs déclarations <strong>les</strong> extraits qui<br />
leur conv<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t, <strong>les</strong> malheureuses victimes se voyai<strong>en</strong>t promises pour<br />
l’av<strong>en</strong>ir au destin le plus noir. Il <strong>en</strong> est résulté un discrédit concernant<br />
<strong>les</strong> psychiatres chez ceux-là mêmes qui aurai<strong>en</strong>t gagné à y avoir recours.<br />
Au terme d’une <strong>en</strong>quête minutieuse, P. Lagadec <strong>et</strong> J. Scanlon<br />
donn<strong>en</strong>t parmi <strong>les</strong> quatre « interv<strong>en</strong>tions pouvant avoir un eff<strong>et</strong><br />
aggravant direct sur <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> ou <strong>les</strong> otages libérés » (de l’Airbus<br />
Alger-Paris),<br />
« [l’]interv<strong>en</strong>tion d’un psychiatre énumérant dans le détail tous <strong>les</strong><br />
élém<strong>en</strong>ts d’horreur vécus par des passagers, <strong>et</strong> toutes <strong>les</strong> séquel<strong>les</strong><br />
qui peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite apparaître ; détails sur <strong>les</strong> <strong>traumatismes</strong> que vont<br />
connaître <strong>les</strong> victimes. » (Lagadec, Scanlon, 1995, TF1, 25 XII ; France<br />
Soir, 27 XII).<br />
On peut r<strong>et</strong><strong>en</strong>ir de c<strong>et</strong>te période d’une vingtaine d’années que le<br />
discours diffusé par <strong>les</strong> médias a permis que s’ébauche une <strong>prise</strong> de<br />
consci<strong>en</strong>ce parcellaire mais dramatisée de l’exist<strong>en</strong>ce des troub<strong>les</strong> <strong>psychiques</strong><br />
post-traumatiques. Il est <strong>en</strong>core difficile d’apprécier dans quelle<br />
mesure elle brisera la résistance des pati<strong>en</strong>ts à aller déposer leurs<br />
symptômes dans le champ de la médecine. Les psychiatres, eux, ont<br />
beaucoup perdu à fréqu<strong>en</strong>ter <strong>les</strong> journalistes.<br />
D’innoc<strong>en</strong>tes victimes : à qui la faute ?<br />
Les événem<strong>en</strong>ts catastrophiques font l’obj<strong>et</strong> d’un autre type de comm<strong>en</strong>taire,<br />
<strong>en</strong> soi légitime le plus souv<strong>en</strong>t, mais qui laisse <strong>les</strong> victimes<br />
très désarmées s’il fait office de vérité unique sur le trauma. Il s’agit<br />
de la recherche du ou des coupab<strong>les</strong>, par néglig<strong>en</strong>ce, incompét<strong>en</strong>ce ou<br />
pratiques criminel<strong>les</strong>. C<strong>et</strong>te traque des responsab<strong>les</strong> jouit, comme l’horreur<br />
à laquelle elle fait p<strong>en</strong>dant, d’une très grande faveur dans le public.<br />
Chez <strong>les</strong> pati<strong>en</strong>ts, elle donne de la force au scénario fantasmatique qui<br />
fait d’eux de pures victimes ayant droit à une réparation dans tous <strong>les</strong><br />
s<strong>en</strong>s du terme. Le risque que pr<strong>en</strong>d alors le suj<strong>et</strong>, c’est de ne pas faire la<br />
distinction <strong>en</strong>tre l’événem<strong>en</strong>t dans lequel il a été pris, là effectivem<strong>en</strong>t<br />
il n’y est le plus souv<strong>en</strong>t pour ri<strong>en</strong>, <strong>et</strong> <strong>les</strong> troub<strong>les</strong> qui vont <strong>en</strong> résulter.<br />
Ce qu’il va faire de son trauma, qu’il veuille ou non le savoir, <strong>en</strong>gage<br />
sa responsabilité. Les manifestations qui vont apparaître sont de la<br />
même « matière » que celle dont il est fait. Et, comme nous l’avons<br />
déjà laissé <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, si injuste que cela soit, le traitem<strong>en</strong>t nécessite que<br />
la victime se considère à un mom<strong>en</strong>t ou à l’autre comme l’auteur de ses<br />
symptômes (Lebigot, 1997).