Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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106 CLINIQUE<br />
grand émoi <strong>en</strong> Arg<strong>en</strong>tine. Elle représ<strong>en</strong>te des jeunes g<strong>en</strong>s au fond de<br />
l’eau, <strong>les</strong> pieds coulés dans du béton. Si la stupeur horrifiée, combi<strong>en</strong><br />
légitime, est du côté des famil<strong>les</strong> des disparus, on peut par ailleurs<br />
s’interroger sur <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s d’une telle représ<strong>en</strong>tation sur ceux qui ont<br />
assisté à ces atrocités à leur corps déf<strong>en</strong>dant.<br />
Certaines famil<strong>les</strong> éprouvées dans l’un des leurs, c<strong>en</strong>sur<strong>en</strong>t la télévision,<br />
se priv<strong>en</strong>t des informations de 20 heures, particulièrem<strong>en</strong>t riches<br />
<strong>en</strong> drames de toutes sortes sur <strong>les</strong> chaînes généralistes, sélectionn<strong>en</strong>t<br />
des émissions a priori inoff<strong>en</strong>sives. Ou bi<strong>en</strong> <strong>les</strong> intéressés eux-mêmes<br />
sav<strong>en</strong>t quand il faut s’éclipser. Parfois néanmoins, l’horreur <strong>les</strong> attire<br />
irrésistiblem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> ils pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t le risque d’une réapparition ou d’une<br />
flambée de leurs symptômes, avec des conséqu<strong>en</strong>ces imprévisib<strong>les</strong>.<br />
Pathogénie du discours<br />
Suggérer le pire<br />
Ces images dramatiques dont abus<strong>en</strong>t <strong>les</strong> télévisions sont accompagnées<br />
d’un comm<strong>en</strong>taire très particulier. Le discours exalté du comm<strong>en</strong>tateur<br />
est fait pour acc<strong>en</strong>tuer le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de catastrophe <strong>et</strong> d’irrémédiable.<br />
Il laisse souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre que le « bilan » pourrait être pire<br />
<strong>en</strong>core que ce que l’on sait, ou voit, déjà. Il s’attache év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t à<br />
décrire <strong>les</strong> scènes particulièrem<strong>en</strong>t atroces qu’il n’a pu filmer, mais il<br />
fait parfois état aussi d’une autoc<strong>en</strong>sure comme si, au-delà d’un certain<br />
point, la jouissance des spectateurs pouvait se démasquer <strong>et</strong> se r<strong>et</strong>ourner<br />
<strong>en</strong> colère indignée contre la chaîne. Jeu subtil. Dans tous <strong>les</strong> cas, pour<br />
nos pati<strong>en</strong>ts, le comm<strong>en</strong>taire acc<strong>en</strong>tue <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s des images.<br />
Depuis quelques années, quelque chose qui ne se voit pas est pourtant<br />
montré à la télévision : <strong>les</strong> perspectives de souffrance psychique à long<br />
terme pour certaines victimes. Ce sont <strong>les</strong> att<strong>en</strong>tats terroristes <strong>et</strong> <strong>les</strong><br />
<strong>prise</strong>s d’otages qui <strong>en</strong> ont fourni l’occasion. Il s’agissait d’abord pour<br />
<strong>les</strong> rescapés d’utiliser l’influ<strong>en</strong>ce des médias sur l’opinion publique<br />
pour faire valoir leurs rev<strong>en</strong>dications. Les souffrances <strong>psychiques</strong><br />
devai<strong>en</strong>t, comme <strong>les</strong> b<strong>les</strong>sures physiques, être indemnisées. Avec<br />
l’aide de la presse, « SOS Att<strong>en</strong>tats » est parv<strong>en</strong>u à amorcer une<br />
<strong>prise</strong> de consci<strong>en</strong>ce collective concernant l’exist<strong>en</strong>ce de séquel<strong>les</strong><br />
post-traumatiques durab<strong>les</strong> (Rud<strong>et</strong>zki, 1995). Plus récemm<strong>en</strong>t - <strong>prise</strong><br />
d’otages de l’Airbus Alger-Paris, effondrem<strong>en</strong>t de la tribune du stade<br />
de Furiani, att<strong>en</strong>tats à Paris - des journalistes sont allés égalem<strong>en</strong>t<br />
interroger des psychiatres. La recherche du « s<strong>en</strong>sationnel » a prévalu à<br />
chaque fois. Soit que <strong>les</strong> « experts », pris « à chaud » dans l’événem<strong>en</strong>t<br />
<strong>et</strong> pour « faire court », ai<strong>en</strong>t caricaturé leur p<strong>en</strong>sée, soit que <strong>les</strong>