Traiter les traumatismes psychiques : clinique et prise en charge
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />
LES SOINS IMMÉDIATS 129<br />
d’une façon ou d’une autre. Dans tout ce qu’elle a vécu, il y a au moins<br />
quelque chose dont elle peut parler, ne serait-ce que l’angoisse qui l’a<br />
assaillie dans c<strong>et</strong> <strong>en</strong>fer <strong>et</strong> qui l’assaille <strong>en</strong>core. Même si le « psy »<br />
sait que le noyau de l’expéri<strong>en</strong>ce traversée est indicible, il propose à<br />
la victime de parler quand même. Tout est dans ce « quand même »<br />
qui perm<strong>et</strong> à celle-ci d’éprouver qu’une relation est <strong>en</strong>core possible.<br />
Elle a raison de protester « Vous ne pouvez pas me compr<strong>en</strong>dre »,<br />
mais il a raison de lui répondre : « Dites-moi quand même. » La tâche<br />
du soignant est de réinstaurer le primat du signifiant qui s’est montré<br />
défaillant (De Clercq, Lebigot, 2001).<br />
Il a été reproché aux interv<strong>en</strong>ants des cellu<strong>les</strong> d’urg<strong>en</strong>ce médicopsychologiques<br />
de faire des offres thérapeutiques aux victimes, c’est-à-dire<br />
de se prés<strong>en</strong>ter comme ceux qui sav<strong>en</strong>t quelle souffrance psychologique<br />
est la leur <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t la guérir. Il ne s’agit pas de cela, <strong>et</strong> l’offre qui<br />
est faite sur le terrain est seulem<strong>en</strong>t « une offre de fraternité discrète »,<br />
selon la formule de Lacan (Lacan, 1966). Il n’est pas question ici d’un<br />
savoir sur l’inconsci<strong>en</strong>t de l’autre. D’autre part, on ne voit pas comm<strong>en</strong>t<br />
une demande pourrait surgir du néant, une parole s’articuler à partir de<br />
ri<strong>en</strong>.<br />
Reste alors la question de se demander pourquoi c’est à des « psys »<br />
qu’est dévolue c<strong>et</strong>te fonction première d’accueil <strong>et</strong> d’interlocution.<br />
Nous répondrons qu’<strong>en</strong> l’occurr<strong>en</strong>ce le savoir psychiatrique n’est pas<br />
le savoir psychanalytique, que le trauma <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre toute une série de<br />
phénomènes psychopathologiques qui requièr<strong>en</strong>t la capacité d’écoute<br />
d’un spécialiste de la souffrance psychique, voire év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t sa<br />
réponse médicam<strong>en</strong>teuse. En outre, c’est bi<strong>en</strong> à un psychiatre ou à un<br />
psychologue que le suj<strong>et</strong> devra v<strong>en</strong>ir poser la question qu’a fait naître le<br />
trauma.<br />
Dans c<strong>et</strong>te première fonction d’interlocution qu’il assure dans l’immédiat,<br />
le psychiatre ou le psychologue se prés<strong>en</strong>te déjà comme le futur<br />
interlocuteur du suj<strong>et</strong> traumatisé. Lorsqu’il nous arrive, ce qui est rare<br />
pour des raisons pratiques, de suivre un suj<strong>et</strong> de c<strong>et</strong> accueil initial jusqu’à<br />
un travail psychothérapique durable, il faut att<strong>en</strong>dre quelque temps<br />
pour que, dans le transfert, s’instaure c<strong>et</strong>te fonction de suj<strong>et</strong> supposé<br />
savoir. Le pati<strong>en</strong>t va alors pouvoir supporter des temps de sil<strong>en</strong>ce sans<br />
que « ce sil<strong>en</strong>ce ne le r<strong>en</strong>voie au néant qui l’a totalem<strong>en</strong>t habité ». Il<br />
sera ainsi <strong>en</strong> mesure de l’habiter de sa propre p<strong>en</strong>sée <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>t ou<br />
de l’éprouver comme résistance au travail <strong>en</strong> cours, surgie à ce mom<strong>en</strong>t<br />
déterminé.<br />
Pour rev<strong>en</strong>ir à c<strong>et</strong>te question de la fonction d’interlocution dans son<br />
rapport avec le savoir du soignant, il est sûr que certaines façons de