propensions, soient mises en jeu. <strong>Les</strong> mécanismes inconscients constituent un écranbeaucoup trop épais. Un mental normal peut être convaincu intellectuellement <strong>de</strong> <strong>la</strong>vérité. Quand cette conviction est totale, elle passe dans le sentiment (le sentiment luidonne son adhésion) et alors le <strong>com</strong>portement se met tout naturellement en conformitéavec <strong>la</strong> vérité qui a été assimilée. Mais si le sentiment n’est pas disponible parce qu’uneémotion, permanente à l’état non-manifesté, l’en<strong>com</strong>bre, si son chemin est obstrué, <strong>la</strong><strong>com</strong>préhension restera superficielle. Elle sera sans cesse battue en brèche par toutes sortesd’idées produites par le mental et enracinées dans <strong>la</strong> distorsion émotionnelle. Bienentendu l’action ne pourra pas s’y conformer. Aucune croissance, aucun épanouissementintérieurs ne sont possibles dans ces conditions.Quant aux troisième et quatrième <strong>de</strong>grés, ce sont <strong>de</strong>ux niveaux <strong>de</strong> fonctionnement dumental « normal ».Avec un mental normal — ou re<strong>de</strong>venu normal — s’il y a toujours dualisme doncémotions, il n’y a plus d’émotions inexplicables, d’émotions <strong>com</strong>plètementdisproportionnées par rapport à leur prétendue cause, d’émotions qui ne reposent sur rienet que rien ne justifie. À un mental normal on peut plus ou moins parler. Il n’en <strong>de</strong>meurepas moins que tant qu’il y a un mental — fût-il normal — il y a création et surimpositiond’autre chose que ce qui est, même si, <strong>com</strong>plètement dupes <strong>de</strong> ce mécanisme, nous ne lepercevons pas le moins du mon<strong>de</strong>. Ceci explique l’in<strong>com</strong>préhension souvent tragique qui,<strong>de</strong>puis <strong>la</strong> Tour <strong>de</strong> Babel, divise les hommes entre eux, les sexes entre eux, les générationsentre elles, et produit tant <strong>de</strong> souffrance partout. L’in<strong>com</strong>préhension, au p<strong>la</strong>n intellectuel,crée l’émotion. Il y a <strong>de</strong>ux en moi : celui qui voit ce qui est et celui qui voit autre choseque ce qui est. Il y a donc <strong>de</strong>ux en face <strong>de</strong> moi : ce qui est et ce que je surimpose. Dans lejardin, il y a le monsieur qui vient et il y a mon monsieur qui vient. Ces mécanismesinconscients fondés sur les vasanas, les « prédispositions ou propensions <strong>la</strong>tentes duesaux impressions passées », jouent plus ou moins gravement mais ils jouent toujours. Laseule Réalité (non produite, immuable, intangible, indépendante) que j’aie jamais en face<strong>de</strong> moi est le Soi, l’atman. Si je vois — et c’est <strong>la</strong> vision normale <strong>de</strong> l’homme ordinaire— une entité, une individualité, un objet, je vois autre chose que ce qui est. Autrement ditje ne vois pas, je pense.Le mental normal a lui-même <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>grés selon qu’il considère l’apparence oul’essence <strong>de</strong>s personnes et <strong>de</strong>s objets, c’est-à-dire selon qu’il <strong>com</strong>pare plus ou moins. Eneffet, le mental n’est jamais neutre. Neutre signifierait qu’il constate ce qui est, et riend’autre, <strong>com</strong>me un miroir. Or, consciemment ou inconsciemment, le mental fait toujoursintervenir <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> <strong>com</strong>paraison. Le mental ne peut jamais « voir » <strong>de</strong> façon pure.Il « pense » toujours plus ou moins. Tout ceci est re<strong>la</strong>tif: plus il pense moins il voit,moins il pense plus il voit. Re<strong>la</strong>tif, donc dépendant: ce mécanisme dépend <strong>de</strong> <strong>la</strong> conditionintérieure — également re<strong>la</strong>tive — du sujet qui pense. Il y a toute une série <strong>de</strong> niveaux.Le mental s’en tient à l’apparence quand il envisage un objet — une chose, un être —sous son aspect personnel. Il envisage l’essence quand il pénètre jusqu’à son aspectimpersonnel. Mais le mental ne peut pas voir véritablement l’essence, il peut seulement <strong>la</strong>penser, l’appréhen<strong>de</strong>r selon ses conceptions.
Je reviens à l’exemple du visiteur qui s’approche <strong>de</strong> moi dans le jardin <strong>de</strong> l’ashram. Jeconsidère son apparence Si je me rappelle qu’il est musulman (et j’aime plus ou moinsl’Is<strong>la</strong>m), très riche (et <strong>la</strong> richesse m’attire ou me met mal à l’aise), ayant fait ses étu<strong>de</strong>saux États-Unis (et je crains ou admire <strong>la</strong> mentalité américaine), etc., sans parler même <strong>de</strong>son apparence <strong>la</strong> plus extérieure, c’est-à-dire son physique, grand ou petit, aimable ourenfrogné, distingué ou vulgaire, et — bien sûr — son sexe, homme ou femme.Je m’approche <strong>de</strong> son essence si je considère en lui « l’être humain », le cœur <strong>de</strong> sonproblème, son <strong>de</strong>stin le plus profond, sa raison <strong>de</strong> vivre <strong>la</strong> plus intime.Ce<strong>la</strong> est particulièrement significatif dans <strong>la</strong> façon dont le disciple « voit » ou « pense» son maître. En éliminant les transfert et projection <strong>de</strong> l’image d’un ou <strong>de</strong>s parents, resteque le disciple peut voir son guru <strong>com</strong>me vieux ou jeune, par<strong>la</strong>nt peu ou beaucoup,chantant ou non <strong>de</strong>s hymnes sanscrits, souvent en apparent samadhi ou jamais, toujoursdoux ou parfois brutal... ou voir en lui simplement <strong>la</strong> source <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>sagesse</strong>, <strong>la</strong> lumière quiéc<strong>la</strong>ire ses ténèbres.Mais l’essence <strong>de</strong> l’essence, l’atman, aucun mental, aussi purifié soit-il, n’y accè<strong>de</strong>. Iln’y a plus ni toi ni moi, ni disciple ni maître, seulement <strong>la</strong> <strong>com</strong>munion du Soi avec le Soi.À travers un mental normal, un certain « je » encore re<strong>la</strong>tif <strong>com</strong>mence à « voir »re<strong>la</strong>tivement. Mais il ne faut jamais oublier qu’entre le « Je » (ou le « Je suis ») absolu etle mental il n’y a aucune <strong>com</strong>mune mesure.On entend souvent dire : « Chacun sa vérité. » C’est exact, tout à fait exact, pour unhomme qui ne vit que dans son mon<strong>de</strong>, ne parle que son <strong>la</strong>ngage. Habituellement uneconception, une affirmation, est un <strong>com</strong>promis entre <strong>la</strong> vérité d’un individu et <strong>la</strong> véritéimpersonnelle. Ce<strong>la</strong> ne s’applique plus au sage. Le sage ne possè<strong>de</strong> pas <strong>la</strong> vérité: il est leporte-parole <strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité. Sa vérité est <strong>la</strong> vérité.La vraie raison <strong>de</strong> l’in<strong>com</strong>préhension générale est que les hommes s’en tiennent à <strong>la</strong>surface <strong>de</strong>s événements. Vivant à <strong>la</strong> surface d’eux-mêmes, ils se contentent <strong>de</strong> <strong>la</strong> surface<strong>de</strong> ceux qui les entourent. <strong>Les</strong> gens s’opposent et se disputent parce qu’ils considèrent leseffets au lieu <strong>de</strong> se préoccuper <strong>de</strong>s causes. Et c’est en <strong>com</strong>prenant d’abord ses propresmécanismes profonds qu’on peut ensuite percevoir ceux <strong>de</strong>s autres.L’acte lui-même, une parole, un geste, est l’expression d’un contenu intérieur. Ce quipeut nous mettre sur le chemin vers cette profon<strong>de</strong>ur, c’est le « <strong>com</strong>ment ». Je prendsl’exemple le plus simple : répondre oui. Il existe trois façons <strong>de</strong> dire oui : <strong>la</strong> manièrecalme, tranquille, naturelle ; <strong>la</strong> manière exagérée ; <strong>la</strong> manière restrictive. Il y a biensouvent un non dans le oui et un oui dans le non. La manière calme obéit au précepte duChrist: « Que ton oui soit oui. » C’est le oui d’une personne unifiée dans son affirmation :<strong>la</strong> pensée, le cœur et <strong>la</strong> bouche sont d’accord. Chaque geste mesuré, posé, chaque son <strong>de</strong>voix neutre, paisible, exprime <strong>la</strong> même unification intérieure.S’il y a, dans l’expression, un manque <strong>de</strong> fermeté, une restriction, une hésitation, sil’action est faite « à contre-cœur », si le « oui » est dit du bout <strong>de</strong>s lèvres, c’est <strong>la</strong>*
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toutes choses. » Quel homme ? L’