chercher et trouver un maître — un vrai —, ce qui ne court pas les rues. Il n’y a pasd’injustice. Celui ou celle pour qui l’enseignement d’un guru est aussi vital quel’oxygène <strong>de</strong> l’air trouvera toujours son maître au moment voulu.Il y a une gran<strong>de</strong> différence entre un mouvement et un maître, d’autant plus qu’ilexiste <strong>de</strong> nombreux mouvements..., sans maître, ou avec un maître fort lointain. Peut-onconcevoir un hôpital sans mé<strong>de</strong>cin et où les ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s seraient soignés par d’autresma<strong>la</strong><strong>de</strong>s ou, au mieux, par <strong>de</strong>s étudiants en mé<strong>de</strong>cine ? La sadhana se vit seul à seul avecle maître, le maître qui n’est pas un autre que moi, qui est moi, mais moi éveillé, illuminé.C’est une longue succession <strong>de</strong> minutes <strong>de</strong> vérité souvent déchirantes. Cette chirurgien’est pas possible en quelques instants, dans un groupe, donc en public, entre lesquestions <strong>de</strong>s uns et <strong>de</strong>s autres. Un guru n’a pas <strong>de</strong>s centaines, quand ce n’est pas <strong>de</strong>smilliers, d’élèves à Paris, en province, a Londres, à New York, en Californie, en Suisse etau Brésil. Certes une seule rencontre avec certains êtres surhumains <strong>com</strong>me RamanaMaharshi, Ramdas, Ma Anandamayi, le Padre Pio, peut être une expérience déterminante.Il suffit aussi, parfois, d’un seul concert par un virtuose sublime pour ouvrir à quelqu’unle mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> musique. Mais on ne <strong>de</strong>vient soi-même musicien qu’en s’exerçant tous lesjours, même si quelques génies et prodiges sont l’exception qui confirme <strong>la</strong> règle. Lavraie sadhana est une entreprise longue, délicate et pleine <strong>de</strong> périls qui se pratique selon<strong>de</strong>s connaissances précises, prouvées, confirmées.Un sage n’a pas d’autre mission que <strong>de</strong> répondre à ceux qui viennent chercher auprès<strong>de</strong> lui <strong>de</strong>s directives pour s’éveiller au mon<strong>de</strong> réel. Dès qu’un homme ou une femmeconsidère qu’il a une œuvre à ac<strong>com</strong>plir, que ce soit pour sauver l’humanité, pourpréparer l’ère du Verseau, pour apporter <strong>la</strong> lumière à notre siècle <strong>de</strong> ténèbres (kaliyuga),etc., il ou elle se trouve prisonnier <strong>de</strong> l’action et <strong>de</strong> <strong>la</strong> réaction, du succès et <strong>de</strong> l’échec. Laréussite <strong>de</strong> l’entreprise passe avant <strong>la</strong> soumission à <strong>la</strong> vérité. De tels enseignements setrouvent obligatoirement en concurrence les uns avec les autres, concurrence qui mènevite à <strong>la</strong> critique et à l’hostilité. Le triomphe <strong>de</strong> <strong>la</strong> cause <strong>de</strong>vient une fin justifiant <strong>de</strong>smoyens bien éloignés <strong>de</strong> <strong>la</strong> voie.Un très grand sage indien, Swami Ramdas, fort célèbre en son pays et attirant <strong>de</strong>svisiteurs du mon<strong>de</strong> entier, a raconté <strong>de</strong>vant moi <strong>la</strong> petite histoire suivante. Commebeaucoup <strong>de</strong> jivanmuktas, il par<strong>la</strong>it <strong>de</strong> lui à <strong>la</strong> troisième personne. Ce jour-là, il a dit: «Quand <strong>de</strong>s amis ont emmené Ramdas autour du mon<strong>de</strong>, Ramdas a vu une fois enAmérique un appareil bien intéressant. » Il vou<strong>la</strong>it parler <strong>de</strong>s distributeurs automatiques,inconnus dans les vil<strong>la</strong>ges <strong>de</strong> l’In<strong>de</strong>. « Vous pouvez choisir ce que vous voulez : unsandwich, un gâteau, du choco<strong>la</strong>t, etc. Mais attention : il faut bien savoir ce que l’on veut,bien <strong>com</strong>poser le numéro correspondant à ce que l’on veut, bien mettre <strong>la</strong> bonne pièce <strong>de</strong>monnaie dans <strong>la</strong> bonne fente. »Et il a conclu : « Ramdas est exactement <strong>com</strong>me cesappareils. Il ne désire rien, il n’a aucune ambition, aucun but. Il est là, tout simplement. Avous <strong>de</strong> l’utiliser en sachant ce que vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z et atten<strong>de</strong>z <strong>de</strong> lui et quel prix vous<strong>de</strong>vez payer pour qu’il vous soit possible <strong>de</strong> recevoir. C’est le disciple qui fait le maître. »Cette attitu<strong>de</strong> impersonnelle, je l’ai observée chez tous les vrais sages hindous,tibétains, soufis, zen que j’ai approchés.
Quand un maître, au contraire, poursuit un but, aussi « élevé » ou « ésotérique » quesoit celui-ci, ses élèves font vite passer ce but avant leur propre transformation, leurpropre mort à eux-mêmes et renaissance, leur propre Libération. Tels qu’ils sont, nonrégénérés, dépendants, prisonniers, soumis aux dualités et aux émotions, ils militent ettiennent ainsi leur p<strong>la</strong>ce dans le grand concert <strong>de</strong> <strong>la</strong> mésentente, <strong>de</strong> l’in<strong>com</strong>préhension etdu conflit, tournant le dos à <strong>la</strong> voie et à <strong>la</strong> vérité.Encore n’ai-je parlé que d’enseignements décents, transmettant au moins certainesconnaissances. Mais je ne sais pas si le lecteur se doute du nombre <strong>de</strong> pseudo maîtres, <strong>de</strong>faux maîtres et d’escrocs à <strong>la</strong> <strong>sagesse</strong> qui sévissent déjà en France et chez nos voisins.Bien <strong>de</strong>s faux maîtres attirent et conservent <strong>de</strong>s disciples. Il n’est pas <strong>de</strong> semaine où jen’aie le témoignage d’une ou plusieurs personnes désabusées, souvent désespérées, aprèsavoir eu foi en un enseignement. De même que « l’amour est aveugle », du moinsl’amour-fascination, l’attirance vers le gui<strong>de</strong> est généralement tout sauf consciente. Unhomme, une femme, éprouve un manque, porte en son cœur une nostalgie. Pour <strong>de</strong>sraisons inconscientes, il est fasciné par un « guru » exactement <strong>com</strong>me on tombeamoureux. Et, par ses propres mécanismes <strong>de</strong> transfert et <strong>de</strong> projection, il fabriquel’émotion qu’il espère. Le voici brusquement <strong>com</strong>blé, d’autant plus que le maître seraplus adroit à tenir le rôle qu’on attend <strong>de</strong> lui : regards profonds, lourds silences, attitu<strong>de</strong>sénigmatiques, références à <strong>de</strong>s connaissances mystérieuses, etc., à un niveau plus oumoins grossier selon le style <strong>de</strong> l’enseignement et <strong>la</strong> clientèle qu’il attire. Ni <strong>la</strong> réussiteprofessionnelle, ni l’instruction ne protègent contre ces mécanismes <strong>de</strong> fascination.<strong>Les</strong> dons personnels, les pouvoirs psychiques, le magnétisme, même réels, ne sont, eneux-mêmes, garants ni <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>sagesse</strong>, ni <strong>de</strong> <strong>la</strong> capacité à gui<strong>de</strong>r dans <strong>la</strong> voie spirituelle. Icijoue le mécanisme que les Tibétains appellent celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> « <strong>de</strong>nt <strong>de</strong> Bouddha ». Voicil’histoire. Autrefois, le rêve d’un Tibétain pieux était <strong>de</strong> se rendre en pèlerinage vers leshauts-lieux bouddhistes <strong>de</strong> l’In<strong>de</strong>, Buddh’ Gaya et Rajgir. Avant son départ, un jeunehomme avait promis à sa mère une relique du Bouddha. Malheureusement les reliques duBouddha sont <strong>com</strong>me les morceaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> vraie Croix: même avec <strong>la</strong> meilleure bonnevolonté du mon<strong>de</strong>, il y a une limite et on ne peut pas en fabriquer autant qu’on veut... Lepèlerin oublia sa promesse jusqu’à son retour. Arrivé aux abords du vil<strong>la</strong>ge où sa mèrel’attendait, il songea à <strong>la</strong> déception <strong>de</strong> celle-ci et, plein <strong>de</strong> <strong>com</strong>passion, décida un pieuxmensonge. Voyant <strong>de</strong>s ossements <strong>de</strong> chien sur le bord <strong>de</strong> <strong>la</strong> route, il arracha une <strong>de</strong>nt à <strong>la</strong>mâchoire <strong>de</strong> ce squelette, l’enveloppa dans un morceau <strong>de</strong> soie et l’offrit à sa vieillemaman <strong>com</strong>me très sainte et très précieuse <strong>de</strong>nt du Bouddha. La pieuse dame fit exécuterune châsse par l’orfèvre du vil<strong>la</strong>ge et construire une chapelle digne <strong>de</strong> contenir une tellerelique. Sa foi, sa conviction, sa ferveur, ses prières, puis celles <strong>de</strong>s visiteurs <strong>de</strong> plus enplus nombreux, concentrèrent leurs forces sur <strong>la</strong> <strong>de</strong>nt <strong>de</strong> chien qui produisit toutes sortes<strong>de</strong> prodiges. Rien qu’à contempler <strong>la</strong> <strong>de</strong>nt, les plus distraits entraient spontanément enméditation, les plus endurcis étaient touchés par <strong>la</strong> grâce, les plus désespérés trouvaient <strong>la</strong>paix du cœur.Cette histoire est souvent citée par les Tibétains pour attribuer au mental <strong>de</strong>s disciplesbien <strong>de</strong>s faits merveilleux. Ce qui est vrai chez eux l’est aussi chez nous. Que <strong>de</strong> «
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tant que vague n’est rien, tellem
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