« criminel ou non », « acceptable ou non par <strong>la</strong> conscience chrétienne », « traumatisant ounon pour les mères », est inévitable. Il est certain que l’avortement n’est pas naturel. Etreenceinte et se faire avorter n’est pas se p<strong>la</strong>cer au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, c’est aller contre <strong>la</strong>nature, après avoir été emporté par elle. Mais tout le débat sur l’avortement concerne <strong>la</strong>surface. La cause est plus profon<strong>de</strong> que tous les arguments donnés <strong>de</strong> part et d’autre.Pour chaque misère, chaque souffrance sous le soleil, il existe ou il n’existe pas unremè<strong>de</strong>. S’il existe un remè<strong>de</strong>, trouvons-le et appliquons-le. S’il n’en existe pas, n’agitonspas inutilement notre mental. Le remarquable Mouvement <strong>de</strong>s «Alcooliques Anonymes »enseigne à ses membres une prière qui exprime l’attitu<strong>de</strong> juste : « Mon Dieu, donnez-moi<strong>la</strong> sérénité d’accepter les choses que je ne puis changer, le courage <strong>de</strong> changer les chosesque je peux changer et <strong>la</strong> <strong>sagesse</strong> d’en connaître <strong>la</strong> différence. »Mais nous pouvons êtrecertains que s’il existe un remè<strong>de</strong>, celui-ci s’applique aux causes et non pas aux effets.Vivre non plus au niveau <strong>de</strong> l’apparence mais <strong>de</strong> l’essence est une approche nouvelle<strong>de</strong> l’existence. Qu’est-ce qui nous maintient à <strong>la</strong> surface, qu’est-ce qui rend notre vie Si «superficielle » ? <strong>Les</strong> émotions. L’émotion nous attache à l’effet, à l’expression, et nousinterdit <strong>de</strong> voir plus loin que : « Elle a osé faire ça », « Il m’a fait ça, à moi. » Si nousé<strong>la</strong>rgissons un peu le débat, le mécanisme <strong>de</strong>meure le même : « Nixon a osé faire ça », «Le pape a osé dire ça. » A en croire les indignations respectives <strong>de</strong>s uns et <strong>de</strong>s autres, toutle mon<strong>de</strong> n’arrête pas <strong>de</strong> faire le mal toute <strong>la</strong> journée : les policiers, les prêtres, les<strong>com</strong>munistes, les Américains, les Arabes, les patrons, les jeunes, les journalistes, lesparachutistes, les députés <strong>de</strong> <strong>la</strong> majorité, les Juifs, les savants. Par mon métier <strong>de</strong>producteur <strong>de</strong> télévision et par mes voyages, j’ai approché <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> tous les milieux,<strong>de</strong> toutes les races, <strong>de</strong> toutes les idéologies. Il n’y a pas une catégorie d’êtres admirée parles uns <strong>com</strong>me faisant particulièrement le bien qui ne soit pas jugée par d’autres <strong>com</strong>memalfaisante. Combien d’Asiatiques et d’Africains, bienveil<strong>la</strong>nts et hospitaliers pour lesB<strong>la</strong>ncs, considèrent les missionnaires chrétiens <strong>com</strong>me leur ayant fait un mal que leshôpitaux <strong>de</strong> sœurs sont loin <strong>de</strong> <strong>com</strong>penser. Combien d’hindous considèrent, non sans <strong>de</strong>nombreuses raisons à l’appui, les chrétiens occi<strong>de</strong>ntaux et leur influence <strong>com</strong>me étant àl’origine <strong>de</strong> <strong>la</strong> déchéance culturelle et spirituelle <strong>de</strong> leur pays.Chaque « isme », <strong>com</strong>munisme, socialisme, fascisme, christianisme, bouddhisme, etc.,a ses partisans et ses opposants. Naturellement, pour les chrétiens, le christianisme est <strong>la</strong>vérité. Pour les protestants c’est le protestantisme, pour les catholiques le catholicisme.Mais les critiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> religion, <strong>de</strong>puis les marxistes jusqu’aux psychanalystes freudiens,ont pu accumuler les arguments contre le christianisme re<strong>la</strong>tif et dépendant manifesté àtravers les hommes. L’enseignement du Christ est une chose et le christianisme historiqueen est une autre.Si l’on regar<strong>de</strong> en face tant <strong>de</strong> malentendus, <strong>de</strong> conflits, <strong>de</strong> violence, tant <strong>de</strong> générositénéfaste, d’indignations stériles, <strong>de</strong> réactions inutiles, on ne peut pas accuser <strong>la</strong> vision duBouddha d’être pessimiste. Chaque homme, <strong>de</strong> chaque c<strong>la</strong>n, <strong>de</strong> chaque confession, <strong>de</strong>chaque parti est certain d’avoir raison. Il n’entend et ne voit que ce qui corrobore sesopinions. Sa notion du bien et du mal est irrémédiablement subjective, enracinée dans lesimpressions infantiles. On a pu dire que c’était une névrose d’avoir <strong>de</strong>s idées politiques
<strong>de</strong> gauche et une autre névrose d’avoir <strong>de</strong>s idées <strong>de</strong> droite. Chacun a son idée individuellesur <strong>la</strong> vie, idée dont il est prisonnier. Ce qui se conforme à cette idée est le bien, ce qui <strong>la</strong>contredit est le mal. Seuls ont une chance d’échapper à cet aveuglement général ceux quiont reconnu leur propre aveuglement et <strong>la</strong> nullité <strong>de</strong> leur conception du bien et du mal. Ilsont « un but différent <strong>de</strong>s buts ordinaires <strong>de</strong>s hommes ».Le chercheur <strong>de</strong> vérité a un but, un but permanent par rapport auquel s’ordonnent tousles autres : croître <strong>de</strong>puis l’étroitesse <strong>de</strong> l’ego (ou du mental) jusqu’à l’infinitu<strong>de</strong> du « Jesuis », non qualifié : le « Soi » (atman) <strong>de</strong>s hindous, <strong>la</strong> « Nature-<strong>de</strong>-Bouddha » ou le «Non-né »<strong>de</strong>s bouddhistes.Ce but bien précis, <strong>la</strong> Libération (moksha), est <strong>la</strong> fin suprême <strong>de</strong> l’existence humaine,le sens <strong>de</strong> toute vie humaine. C’est le mouvement <strong>de</strong> toute <strong>la</strong> nature dont chaque élémenttend du limité vers l’illimité. C’est un but fixe, stable, permanent. C’est aussi un butinévitable : je veux dire qu’il ne peut pas y en avoir d’autre. Tout homme éprouve unbesoin d’expansion : plus d’argent, plus <strong>de</strong> gloire, plus <strong>de</strong> connaissance, etc. Ce désird’aller au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s limites <strong>de</strong> l’ego (ou du mental) est inhérent en chaque homme. Ce butest l’expansion <strong>com</strong>plète, l’expansion absolue. Et chaque homme est déjà Ce<strong>la</strong>.Ainsi ce qui rapproche l’homme <strong>de</strong> ce but est naturel, ce qui l’en éloigne va contre <strong>la</strong>nature. Ce qui rap proche l’homme <strong>de</strong> ce but est vérité, ce qui l’en éloigne est erreur. Cequi rapproche l’homme <strong>de</strong> ce but est juste, ce qui l’en éloigne est faux. Ce principegénéral s’applique a chaque être humain, chaque homme, chaque femme en particulier,dans <strong>la</strong> situation concrète où il se trouve, à son niveau d’évolution intérieure actuel.Un fait évi<strong>de</strong>nt doit pourtant être souligné et toujours gardé à l’esprit: c’est que ce but,cette libération, ce « Je suis » absolu, l’homme ordinaire même « normal » ne le connaîtpas, ou plutôt son mental ne le connaît pas, ne peut pas le connaître. Le mental ne peutpas se le représenter, ni méditer sur lui, ni le chercher <strong>com</strong>me un objet à conquérir. Lemental ne peut s’occuper que du mental. Il faut partir du point <strong>de</strong> départ.Pratiquement l’homme peut seulement concevoir ce but en termes <strong>de</strong> plus ou <strong>de</strong> moins: une personnalité plus vaste, plus <strong>com</strong>préhensive (au vrai sens <strong>de</strong> <strong>com</strong>prendre: inclure ensoi), plus disponible, plus libre <strong>de</strong> ses préjugés, <strong>de</strong> ses refus et <strong>de</strong> ses désirs, mieuxcapable d’aimer les autres.Le chercheur <strong>de</strong> vérité a donc son propre but personnel et le chemin, le yoga, qui l’yconduit. Mais que peut-il faire pour les autres, pour son prochain ? Tout le mon<strong>de</strong> a uneidée là-<strong>de</strong>ssus mais, nous l’avons vu, tout le mon<strong>de</strong> n’a pas <strong>la</strong> même idée.La dominante <strong>de</strong> l’histoire humaine, c’est l’in<strong>com</strong>préhension, <strong>la</strong> Tour <strong>de</strong> Babel.Chacun ne vit que dans son mon<strong>de</strong>, chacun ne parle que sa <strong>la</strong>ngue, chacun pense à partir<strong>de</strong> ses émotions. Personne ne voit, personne n’entend. Re<strong>la</strong>tivement et d’une façonimmédiatement accessible il y a un but « altruiste » et il n’y a qu’un seul but altruistedans <strong>la</strong> vie : diminuer l’in<strong>com</strong>préhension et donc <strong>la</strong> souffrance —jusqu’à ce que vienne lemoment où il n’y a plus aucune in<strong>com</strong>préhension. L’in<strong>com</strong>préhension et l’émotion se*
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