prenons toujours nos réactions pour <strong>de</strong>s actions. Pour être libéré <strong>de</strong> l’enchaînement <strong>de</strong>sréactions, il faut reconnaître chaque réaction <strong>com</strong>me une réaction, et être un avec cetteréaction <strong>com</strong>me le sportif l’est avec le torrent. Alors <strong>la</strong> réaction suivante ne se produitpas, <strong>la</strong> nonréaction ou neutralité s’établit peu à peu et l’action <strong>de</strong>vient possible. Unexemple concret sera plus c<strong>la</strong>ir. Je lève le bras à l’horizontale. Il y a rupture <strong>de</strong> <strong>la</strong> position<strong>de</strong> repos ou d’équilibre (le relâchement total). La réaction est <strong>la</strong> retombée du bras. Si cetteretombée se fait mécaniquement, le bras vient frapper <strong>la</strong> cuisse et ce choc détermine unenouvelle réaction. La jambe bouge, <strong>la</strong> main est <strong>de</strong> nouveau dép<strong>la</strong>cée, etc. Au contraire sile retour du bras à <strong>la</strong> normale a été un geste conscient, ac<strong>com</strong>pagné par <strong>la</strong> conscience, <strong>la</strong>main prend sa p<strong>la</strong>ce doucement contre le corps et aucune autre réaction ne se produit. Leretour à l’équilibre est effectué. Il en est <strong>de</strong> même dans toutes les circonstances <strong>de</strong>l’existence.Ces termes <strong>de</strong> neutralité, absence <strong>de</strong> réaction, acceptation risquent d’ailleurs d’être fortmal <strong>com</strong>pris et ils nécessitent <strong>de</strong>s précisions importantes. Le sage n’a plus d’émotions, ilne juge pas, il ne condamne pas, il ne refuse pas, il accepte tout, il est un avec tout. Ledisciple accepte tout ce qui est en lui pour pouvoir accepter un jour tout ce qui est hors <strong>de</strong>lui. Mais « j’accepte » ne veut pas dire: « J’accepte que ce qui est à l’instant même seraencore <strong>de</strong>main, sera encore dans une minute. » Non. Simplement:« J’accepte que ce qui est à l’instant même, soit. » Dans une secon<strong>de</strong> ce sera toujoursou ce ne sera plus. En vérité, dans une secon<strong>de</strong> ce ne sera plus, car tout est toujours, fût ceimperceptiblement, en mouvement, en changement. Et cette acceptation n’empêche pasd’agir. La réconciliation avec les faits n’est pas <strong>la</strong> résignation passive. Au contraire. Vouspouvez, si vous préférez, remp<strong>la</strong>cer le mot acceptation par le terme vision scientifique.Voir ce qui est sans émotion, ce<strong>la</strong> signifie : sans se couper <strong>de</strong> ce qui est en pensant quece<strong>la</strong> <strong>de</strong>vrait être autrement, donc sans <strong>com</strong>paraison ou référence à un autre possible.Aucun voile mental ne s’interpose entre moi et le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong> manifestation. Mais il fautjustement que cette acceptation soit totale, c’estàdire embrasse tous les éléments d’unesituation donnée. Et c’est une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s impossibilités <strong>de</strong> l’ego qui ne voit jamais quecertains facteurs d’une situation et ne voit absolument pas les autres ou, même s’il lesvoit, les refuse. Si tous les éléments d’une situation donnée sont vus, sans émotion, sansjugement, sans se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si c’est bien ou si c’est mal, mais si c’est ou si ça n’est pas,le fruit <strong>de</strong> cette vision totale est une action qui apparaît alors <strong>com</strong>me une réponserigoureuse à <strong>la</strong> situation donnée, <strong>com</strong>me <strong>la</strong> seule réponse possible, celle qu’exige <strong>la</strong>justice <strong>de</strong> cette situation particulière. « Cherchez premièrement le Royaume <strong>de</strong> Dieu et sajustice. »Dans <strong>la</strong> mesure où certains éléments seulement sont vus et pas les autres, <strong>la</strong> réponseest fausse, une réaction et non une action. Je veux être tout à fait précis et je prendrai pource<strong>la</strong> <strong>de</strong>ux « échantillons » à <strong>de</strong>ssein grossiers. D’abord l’acceptation d’une réalitéintérieure à nous, par exemple le désir <strong>de</strong> voler (une somme d’argent, un bijou...). Cetteimpulsion doit être pleinement reconnue et acceptée <strong>com</strong>me un élément en nous, à uncertain moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> manifestation universelle. Elle ne doit pas être niée ni refouléepuisqu’elle est là. Mais ce n'est qu’un élément parmi bien d’autres : <strong>la</strong> souffrance causéeau propriétaire, le risque <strong>de</strong> faire suspecter un innocent, <strong>la</strong> certitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> renforcer notre
propre attachement, notre peur <strong>de</strong>vant l’acte à ac<strong>com</strong>plir, etc. Tout le « meilleur » et le «pire » doit être vu. Il en serait <strong>de</strong> même d’un désir criminel, d’un désir <strong>de</strong> viol. Mais <strong>la</strong>réalité à accepter peut être aussi extérieure à nous. Je vois sur une route un homme saoulen train <strong>de</strong> frapper un enfant <strong>de</strong> quatre ans à coups <strong>de</strong> bâton, une brute « ignoble », unenfant « attendrissant ». L’acceptation — le OUI — ne signifie pas un instant : « Laissonsfaire », ne consiste pas seulement à dire:« Je ne réagis pas : je vois. » Il faut tenir <strong>com</strong>pte <strong>de</strong> tous les éléments, sans aucunecoloration personnelle, projection inconsciente, i<strong>de</strong>ntification positive ou négative à un<strong>de</strong>s personnages mais, au contraire, avec impartialité, neutralité et une <strong>com</strong>passion égalepour l’homme et pour l’enfant. Par une série <strong>de</strong> causes et d’effets, remontant à <strong>la</strong> nuit <strong>de</strong>stemps, cet homme, aujourd’hui, dans l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> manifestation universelle, est enétat d’ivresse et il frappe un petit enfant. Pour lui c’est ce<strong>la</strong> qui est bien.Aucun être humain ne peut s’exprimer et faire quoi que ce soit sans être, au momentmême où il le fait, convaincu qu’il a raison <strong>de</strong> le faire, que c’est son droit, que c’est ce<strong>la</strong>le bien. Peutêtre le regretteratil une secon<strong>de</strong>, une minute ou dix ans après mais, pourl’instant, il est certain d’avoir raison. Sans ce<strong>la</strong>, il ne pourrait pas agir... ou réagir. Il nepeut pas y avoir manifestation sans adhésion au moins momentanée. Je n ai aucunepossibilité <strong>de</strong> juger un aspect <strong>de</strong> <strong>la</strong> manifestation et <strong>de</strong> dénier à cet aspect son droit à être,<strong>de</strong> le « tuer » intérieurement : NON, un homme n’est pas saoul, un homme ne maltraitepas un enfant <strong>de</strong> quatre ans. C’est OUI. Deuxième facteur : il y a un enfant qui est meurtriphysiquement, qui est traumatisé psychologiquement et qui doit être protégé. Et il y amoi, mes autres responsabilités qui ne pourront être remplies si je suis moimême blessépar cet homme, etc. Si tous les éléments sont pris en considération, il y auraobligatoirement <strong>de</strong> ma part une certaine attitu<strong>de</strong>, une certaine action, qui sera <strong>la</strong> meilleureréponse possible à <strong>la</strong> situation, dans le cas précis <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> l’enfant.Un exemple aussi brutal, c’est le cas <strong>de</strong> le dire, ne se rencontre pas fréquemment maistoute l’existence est faite d’une suite <strong>de</strong> situations beaucoup plus <strong>com</strong>plexes et subtilesdont nous ne voyons jamais tous les éléments parce que nous ne voulons pas les voir,parce que nous ne pouvons pas les voir. Notre ego intervient immédiatement, notremanas, fait d’émotions, <strong>de</strong> jugements et <strong>de</strong> préjugés, d’idées et d’opinions. L’action dusage, au contraire, est toujours une action non égoïste. Pas au sens d’un égoïsme opposé àl’altruisme car il est un altruisme, une phi<strong>la</strong>nthropie et un besoin d’ai<strong>de</strong>r les autres fondéssur l’ego, sur l’insatisfaction personnelle et sur les émotions. Mais une action libre,impersonnelle, expression <strong>de</strong> l’union avec tout et tous et <strong>de</strong> l’amour universel, <strong>la</strong> « charité» que saint Paul a décrite. Il y a simplement une réponse. C’est le <strong>com</strong>portement parfait, àchaque secon<strong>de</strong>, du sage. Un sage est très actif: il fait, il intervient, il déci<strong>de</strong>, il répond, ilgron<strong>de</strong>, il console, et en même temps ce n’est pas i/qui agit. Le sage <strong>de</strong>meure immuable,pareil à luimême, non affecté, non agissant. L’absence d’émotions n’est donc pas leretour « à l’état du minéral » que craignent tant les êtres humains prisonniers <strong>de</strong> leursattirances et <strong>de</strong> leurs répulsions. Quelqu’un qui voit tels qu’ils sont tous les aspects d’unesituation est beaucoup plus vivant que celui qui ne voit que certains aspects. <strong>Les</strong> émotionsnous donnent <strong>la</strong> joie et <strong>la</strong> souffrance mais elles nous donnent surtout l’aveuglement à cequi est et nous condamnent à vivre dans notre petit mon<strong>de</strong> étriqué. Et plus l’ego voit,
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peut pas envisager. Et, pourtant, c
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toutes choses. » Quel homme ? L’