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L 'hybride - Centre de Recherches Interdisciplinaires sur les Mondes ...

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le nom n’est jamais donné? Est-ce du roman ou une autobiographie?Romans autobiographiques ou biographies romanesques, la frontièreest ténue entre ces textes que Philippe Lejeune appellerait <strong>de</strong>s «fictionsfictives», et que pour la circonstance j’appelle <strong>de</strong>s romans hybri<strong>de</strong>s.Il ne s’agit pas là <strong>de</strong> véritab<strong>les</strong> fictions, c’est-à-dire <strong>de</strong> romansautobiographiques régis dans leur ensemble par un pacteromanesque. Le système général reste celui <strong>de</strong> l’autobiographie ;c’est seulement au niveau d’une <strong>de</strong>s instances du récit (lepersonnage du narrateur) que se greffe une sorte <strong>de</strong> jeu :l’autobiographe essaie <strong>de</strong> s’imaginer ce qui se passerait si c’étaitun autre qui racontait son histoire ou traçait son portrait 6 .Margo Glantz, née au Méxique <strong>de</strong> parents émigrés, raconte <strong>les</strong>souvenirs <strong>de</strong> Russie que ceux-ci lui ont racontés et qu’elle matérialised’abord oralement au magnétophone ; elle y mêle ceux qu’elle partageavec eux au Mexique. C’est une autobiographie. Le protagoniste <strong>de</strong>Las ausencias presentes raconte <strong>de</strong>s souvenirs d’émigré <strong>de</strong> 1922 que nepeut avoir l’auteur, né trente ans plus tard au Mexique. C’est unroman. En 2001, vingt ans après Las genealogías paraît La abuela meencargó a sus muertos, inscrit dans autre siècle que celui <strong>de</strong>s fortesmigrations. L’auteur est aussi une femme, mais la voix énonciatricese diffracte en voix multip<strong>les</strong> : celle d’une bobe exilée au Mexique en1927, celle <strong>de</strong> son mari, mort et enterré au Mexique, celle <strong>de</strong> leurpetit-fils, un scénariste mexicain qui écrit un scénario pour un film<strong>sur</strong> la Hongrie, celle d’un vieil historien amateur hongrois qui raconteà celui-ci <strong>les</strong> dures années d’occupation alleman<strong>de</strong>. La abuela aentrepris un voyage jusqu’à Kovacs, la petite ville <strong>de</strong> sa jeunesse dansle cimetière <strong>de</strong> laquelle est enterrée sa mère. Le fantastique, Europecentrale oblige – peut-être aussi le sentiment mexicain <strong>de</strong> la relationà la mor –, fait irruption : dans le cimetière juif à l’abandon, la vieilledame pleure parce qu’elle ne retouve pas la tombe, et elle s’en plaintà Páli [Pablo], son mari mort au Mexique. «Mis muertos, esa es mivida, Páli. Mi madre enterrada aquí ; Apu [papá], Gizi [Gisela] y Jen…[Eugenio] quedaron en los campos <strong>de</strong> concentración ; y tú, Páli,<strong>de</strong>scansas a mi<strong>les</strong> <strong>de</strong> kilómetros en tierra mexicana». Et Páli luiconseille <strong>de</strong> cesser, à son âge, <strong>de</strong> courir comme une chèvre entre <strong>les</strong>tombes. Et le petit-fils <strong>de</strong> protester <strong>de</strong> son côté : «No lo tolero ; miabuela habla y gesticula rompiendo las reglas <strong>de</strong>l tiempo y <strong>de</strong>l espaciopara reencontrarse con mi abuelo, muerto apenas hace un año». Cettefois c’est sûr, c’est un roman. La grand-mère accepte une leçon <strong>de</strong>168

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