Agone n° 18-19 - pdf (1090 Ko) - Atheles
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« PERMANENT » DE LA LUTTE CONTRE LA GUERRE D’ALGÉRIE ?<br />
siège de la revue Esprit, où devait se tenir une réunion du Comité de<br />
direction de Vérité-Liberté, ils me déconseillèrent, en prenant un air<br />
entendu, de m’y rendre. Naturellement, je ne tins aucun compte de<br />
cette recommandation. Quand j’arrivai rue Jacob, d’autres policiers<br />
étaient là. J’étais paradoxalement intouchable parce que déjà inculpé<br />
pour avoir signé le Manifeste. Les autres furent emmenés Quai des<br />
Orfèvres, où quatre d’entre eux, Robert Barrat, Jérôme Lindon,<br />
Jacques Panijel et Paul Thibaud furent retenus toute la nuit. Un seul<br />
d’entre eux, Robert Barrat, fut enfermé à Fresnes d’où il m’écrivit que<br />
la prison « est le lieu naturel du chrétien ». Il fut relâché au bout de<br />
deux semaines. Quand Jean-Marie Domenach revint dans les bureaux<br />
d’Esprit, il constata que de nombreux documents plus ou moins<br />
illégaux étaient enfouis dans les fauteuils. Cela ne lui donna pas une<br />
haute idée de la nouvelle clandestinité.<br />
Quant à Jérôme Lindon, il décrivit dans Témoignage chrétien sa nuit<br />
passée au Quai des Orfèvres. Il nota que, pas une seule fois, les<br />
policiers de garde n’avaient critiqué les insoumis et ceux qui les<br />
approuvaient. Cet article fut lu de près dans les services de police.<br />
Si Vérité-Liberté occupa entre <strong>19</strong>60 et <strong>19</strong>62 une grande part de mon<br />
temps, il n’y eut pas que V-L. J’étais devenu, en dépit des tensions qui<br />
m’opposaient parfois à Gilles Martinet, un collaborateur de France-<br />
Observateur. J’y publiai par exemple, non sans avoir été quelque peu<br />
censuré, une enquête sur « la République du bazooka » (21-28<br />
janvier <strong>19</strong>60). Le coup tiré par un bazooka bricolé sur le général<br />
Salan le 16 janvier <strong>19</strong>57 avait tué son chef de cabinet, le commandant<br />
Rodier. Les exécutants étaient pour certains d’entre eux ceux-là<br />
mêmes qui avaient fait sauter une bombe rue de Thèbes, dans la<br />
Casbah, le 10 août <strong>19</strong>56, faisant plus de morts – algériens – que<br />
n’importe quel attentat terroriste. À l’affaire du bazooka était lié, au<br />
dire des inculpés, de René <strong>Ko</strong>vacs surtout, terroriste du genre pur et<br />
dur, un mystérieux comité des Six, dont aurait fait partie Michel<br />
Debré. Celui-ci avait été épargné par le ministre de la Justice,<br />
François Mitterrand, qu’il n’épargna pourtant pas, en octobre <strong>19</strong>59,<br />
lors de l’affaire de l’Observatoire. Que valait cette accusation ? <strong>Ko</strong>vacs<br />
n’était pas très précis. Il parlait d’un certain Giscard Monservin.<br />
S’agissait-il de Valéry Giscard d’Estaing ou du sénateur Boscary-