Agone n° 18-19 - pdf (1090 Ko) - Atheles
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PIERRE VIDAL-NAQUET 167<br />
de Papon notamment dans le film Français, si vous saviez. Papon<br />
assista à une projection, déclara qu’il porterait plainte et ne le fit<br />
jamais. Je me souviens avoir dit un jour à Germaine Tillion : « Ce<br />
Papon, je le tuerais volontiers. » Elle me répondit : « Moi, je ne le<br />
tuerais pas, mais je témoignerais pour celui qui le ferait. » Au<br />
lendemain de l’abominable 17 octobre, Eugène Claudius-Petit, ancien<br />
résistant, dirigeant de « Franc-Tireur », sauva l’honneur du Parlement<br />
en disant : « Quand la bête hideuse du racisme est lâchée… » Le<br />
ministre concerné, Roger Frey, répondit qu’il n’avait pas « le<br />
commencement de l’ombre d’une preuve ». Claude Lanzmann<br />
dénonça l’« humaniste » Papon dans les termes qui convenaient dans<br />
les Temps modernes. Le numéro fut saisi. […]<br />
Cependant les hommes de l’OAS subissaient à leur tour des sévices<br />
policiers, parfois abominables, ce qui surprenait beaucoup d’honnêtes<br />
gens qui ne savaient pas que la torture était, depuis longtemps, un<br />
système. Il y avait là pour le Comité Audin une question d’honneur.<br />
Par une coïncidence peu heureuse, notre communiqué de<br />
protestation fut publié l’après-midi du 17 octobre. Ce communiqué<br />
protestait énergiquement contre ces nouvelles tortures. Le Monde le<br />
publia in extenso. Deux journaux d’extrême droite, la Nation française<br />
et Carrefour le reproduisirent. Le premier journal, celui de Pierre<br />
Boutang et de Philippe Ariès nous décernait même un « bon point »<br />
(sic). Me Borker fit état au téléphone de sa surprise et de son<br />
indignation. Je publiai moi-même dans Esprit de mai <strong>19</strong>62 tout un<br />
dossier que m’avaient fait parvenir Raoul Girardet, historien<br />
nationaliste du nationalisme français, et quelques autres militants<br />
d’extrême-droite. L’historien Philippe Ariès fut alors un des seuls à<br />
constater que l’émotion soudain exprimée par certains succédait à<br />
leur indifférence d’hier. L’hebdomadaire Carrefour, proche de l’OAS,<br />
publiait de véhémentes protestations contre la torture, rédigées<br />
parfois par d’authentiques tortionnaires. Je tentai, vainement, de le<br />
leur faire remarquer. Carrefour tronqua le 15 novembre <strong>19</strong>61 ma<br />
lettre d’un passage essentiel. […]<br />
Le 16 janvier <strong>19</strong>62, le tribunal militaire de Paris acquitta trois<br />
officiers qui avaient reconnu avoir torturé à mort une jeune<br />
Algérienne. Soudain, les maigres bataillons de l’« anti-France »