Agone n° 18-19 - pdf (1090 Ko) - Atheles
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FICTIONS & DICTIONS 229<br />
prennent nos prébendes. Je n’ai pas encore expliqué comment il<br />
arrive qu’après avoir longtemps attendu, beaucoup dépensé,<br />
beaucoup voyagé, présenté sérieusement notre candidature avec l’aide<br />
d’amis, nous obtenions enfin quelque petit bénéfice ecclésiastique ;<br />
mais nos misères ne font alors que commencer : car nous nous<br />
trouvons soudain confrontés à la chair, au monde et aux démons qui<br />
s’acharnent sur nous ; nous avons troqué une vie tranquille contre un<br />
océan de difficultés, nous voilà dans une maison en ruines qu’il faut<br />
nécessairement faire réparer à nos frais afin de la rendre habitable ; il<br />
nous faut engager des poursuites et prouver qu’elle a été mal<br />
entretenue de peur d’être nous-mêmes attaqués en justice ; et, à peine<br />
sommes-nous installés que l’on vient nous réclamer le paiement des<br />
dettes de notre prédécesseur ; les annates, la dîme, les subsides<br />
doivent être versés immédiatement, de même que les dons forcés dus<br />
au roi, les sommes dues à l’évêque, &c., sans oublier ce qui peut nous<br />
arriver de pire, à savoir que le titre que nous avons entre les mains<br />
peut être sans valeur, comme ce fut le cas pour Kleinarts avec sa cure<br />
et sa charge d’un couvent de béguines, car, à peine en prît-il<br />
possession qu’il fut immédiatement attaqué en justice, nous fûmes pris<br />
dans un difficile procès, dit-il, & dûmes nous défendre de toutes nos forces ;<br />
il finit, après dix ans de plaidoyers, davantage que ne dura le siège de<br />
Troie, alors qu’il en était las et qu’il avait dépensé tout son argent, par<br />
devoir tout abandonner à son adversaire pour enfin avoir la paix <strong>18</strong>1 .<br />
Ou encore, nous sommes insultés et piétinés par des fonctionnaires<br />
de l’État pleins de morgue, dépouillés par ces harpies cupides qui<br />
veulent toujours davantage d’argent ; nous sommes menacés pour des<br />
fautes passées ; nous nous trouvons au milieu de réfractaires, de<br />
sectateurs séditieux, de puritains acariâtres, de papistes invétérés, une<br />
meute lascive d’épicuriens athées qui refusent de se réformer, ou<br />
encore au milieu de gens procéduriers (il faut alors se battre contre les<br />
bêtes sauvages d’Éphèse <strong>18</strong>2 ) qui refusent de payer ce qu’ils doivent<br />
sans rechigner, ou seulement après un procès ; car, comme le dit un<br />
vieil adage, les laïcs sont très hostiles au clergé, selon eux, tout ce qui a<br />
<strong>18</strong>1. Epistolarum, Liv. 2.<br />
<strong>18</strong>2. [Première Épître de saint Paul aux Corinthiens : 15 : 32.]