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Agone n° 18-19 - pdf (1090 Ko) - Atheles

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IMMANUEL WALLERSTEIN 75<br />

dominants, qui proposèrent un modèle auquel les autres États étaient<br />

– et restent – conviés à aspirer. Plus important encore, le libéralisme<br />

maîtrisa et transforma (du moins entre <strong>18</strong>48 et <strong>19</strong>68) les alternatives<br />

idéologiques que représentaient le conservatisme et le radicalisme en<br />

avatars du libéralisme. Par le biais de leur programme politique en<br />

trois points – suffrage universel, État-providence et identité nationale<br />

(souvent xénophobe) –, les libéraux du XIX e siècle mirent fin à la<br />

menace des classes dangereuses en Europe. Ceux du XX e siècle ont<br />

tenté un programme similaire pour mater les classes dangereuses<br />

représentées par le Tiers Monde, et paru devoir réussir durant une<br />

assez longue période 12 .<br />

La stratégie du libéralisme en tant qu’idéologie politique était de<br />

s’adapter au changement, et cela exigeait qu’une personne adéquate,<br />

usant de la méthode adéquate, en soit chargée. Ainsi, avant tout, les<br />

libéraux durent s’assurer que ce processus serait entre les mains de<br />

personnes compétentes. Comme ils ne pensaient pas que cette<br />

compétence pût être garantie par une sélection par l’origine sociale<br />

(voie conservatrice) ou la popularité (voie radicale), ils se tournèrent<br />

vers l’ultime solution, c’est-à-dire la sélection au mérite, ce qui<br />

signifiait bien sûr se tourner vers l’élite intellectuelle – celle, du<br />

moins, qui se souciait de questions d’ordre pratique. La seconde<br />

exigence imposait que ces personnalités « compétentes » agissent non<br />

pas sur la base de préjugés mais sur celle d’informations de premier<br />

ordre au sujet des conséquences probables des réformes proposées. Il<br />

leur fallait donc une connaissance sérieuse du fonctionnement réel de<br />

l’ordre social. Cela impliquait qu’il existât des chercheurs et des<br />

recherches sur ce domaine. Les sciences sociales furent donc<br />

absolument nécessaires au projet libéral. Le lien entre idéologie<br />

libérale et sciences sociales est donc plus de l’ordre de l’essentiel que<br />

de l’existentiel. Je n’affirme pas seulement que les sociologues<br />

épousèrent le projet libéral – cela est vrai, mais c’est un aspect<br />

secondaire de la question. J’affirme que le libéralisme et les sciences<br />

sociales se sont fondés sur les même prémisses : la foi en une<br />

perfectibilité de l’humanité – celle-ci pouvant être atteinte en agissant<br />

12. Cf. I. Wallerstein, After Liberalism, New York, New Press, <strong>19</strong>95, ch. 5, 6.

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