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Agone n° 18-19 - pdf (1090 Ko) - Atheles

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284<br />

… LA VOLONTÉ DE VERITÉ<br />

SUR LE NIETZSCHE DE G. PICON<br />

Toute la complexité, la finesse, mais aussi toutes les erreurs<br />

d’interprétation de la philosophie nietzschéenne proviennent, selon<br />

Picon, de cette contradiction dans laquelle elle semble s’empêtrer :<br />

d’un côté, Nietzsche affirme à la fois la possibilité et le caractère<br />

salutaire de la vérité comme critère d’évaluation de tout jugement de<br />

valeur, de toute forme de vie ; de l’autre, il récuse la possibilité<br />

d’accéder à l’objectivité et fait de l’erreur subjective le fondement<br />

même de la vie. Comment considérer simultanément que les<br />

jugements de valeur se fondent sur des jugements de vérité et que les<br />

jugements de vérité se ramènent à des jugements de valeurs ?<br />

Toutefois, il n’y a là aucune raison d’en conclure, nous dit Picon, que<br />

Nietzsche soit incohérent : une philosophie de la contradiction n’est<br />

pas nécessairement une philosophie aporétique. Alors ?<br />

Premièrement, « on a cru avoir dans les catégories de la raison un<br />

critérium de la réalité, alors qu’elles devaient servir à se tromper<br />

intelligemment au sujet du réel » (Nietzsche). Ce que réfute<br />

Nietzsche, c’est la virtualité d’aboutir jamais à une représentation en<br />

adéquation parfaite avec la réalité : nous sommes condamnés aux<br />

ténèbres, à l’impossibilité de se procurer directement une définition<br />

immédiate, substantielle et complète de la vérité. Nos représentations,<br />

irrémédiablement entachées d’un subjectivisme inaliénable, sont et<br />

seront toujours fausses. Mais cela ne nous condamne ni à<br />

l’opportunité d’un subjectivisme débridé, ni à la résignation fataliste<br />

au mensonge, car nous connaissons malgré tout la cause de nos<br />

erreurs : « L’adaptation de l’idée au sujet trahit son inadaptation à la<br />

chose » (Picon). Une définition formelle de la vérité demeure ainsi<br />

envisageable : « La vérité sera l’erreur “corrigée”, l’erreur “affinée” […]<br />

Une fois délivrés des préjugés qui s’interposaient entre les choses et<br />

nous, de tout ce qui, dans notre représentation du réel, correspondait<br />

aux tendances subjectives, nous pouvons partiellement obtenir une<br />

vue exacte des faits » (Picon). Dans cette optique, l’amélioration de la<br />

connaissance repose sur une discipline intellectuelle, une attitude de<br />

l’esprit visant à s’opposer aux altérations de la vérité issues de la<br />

tendance naturelle qui nous porte à l’illusion. L’obsession<br />

nietzschéenne de ramener tout jugement de vérité à un jugement de

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