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Agone n° 18-19 - pdf (1090 Ko) - Atheles

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L’INTELLECTUEL VERSION GINZBURG & TABUCCHI VS ECO<br />

irrémédiablement l’exercice de la justice ». Les juges ont « glissé<br />

tacitement (et indûment) du plan de la simple possibilité à celui de<br />

l’assertion de fait ; du conditionnel à l’indicatif. C’est une bourde<br />

logique […]. Mais par rapport aux bourdes des historiens, celles des<br />

juges ont des conséquences immédiates et plus graves : elles peuvent<br />

amener à condamner des innocents ».<br />

La morale même rapproche l’affaire Sofri des procès en sorcellerie :<br />

la cour d’appel de Milan a refusé toute circonstance atténuante pour<br />

« absence de tout signe de contrition ou de remords, et de tout aveu<br />

de la part des inculpés [… Mais] la requête de repentir, de remords,<br />

d’aveu, d’abjuration, note Ginzburg, vient d’une autre sorte de<br />

tribunaux : ceux de l’Inquisition ».<br />

Ne voyons pas là un procès exotique au regard des usages<br />

français : si les règles d’administration de la preuve sont peut-être<br />

plus strictes, le code de procédure pénal français ne prévoit-il pas<br />

que le juge statue selon son « intime conviction » ? Il est ainsi à<br />

craindre que la position sociale qui s’impose aux juristes ne prime<br />

sur l’exigence de partialité que requiert leur tâche, notamment dans<br />

les affaires où un certain ordre social est mis en cause. Certains juges<br />

n’oublient-ils pas parfois que leur fonction n’est pas de produire de<br />

la vérité mais de mettre fin à des conflits par des décisions justes,<br />

garanties de paix sociale ?<br />

Mais c’est également contre le relativisme que s’élève le réquisitoire<br />

de Ginzburg. La critique du positivisme est aujourd’hui si bien faite<br />

que la confiance exagérée dans la preuve et la croyance dogmatique<br />

en l’existence de « la » vérité ont fait place au dogme contraire. Et<br />

tout un chacun de sourire désormais avec malice aux mots de<br />

« vérité » ou de « réalité »: il n’y aurait plus que des témoignages de<br />

« représentations » sociales – et « on refuse, comme une<br />

impardonnable naïveté positiviste, d’analyser les rapports entre ces<br />

témoignages et les réalités qu’ils désignent ou représentent ». S’il ne<br />

ressuscite pas l’histoire positiviste, Ginzburg persiste par contre à<br />

montrer que sa discipline a pour tâche de s’élever contre le mensonge,<br />

c’est-à-dire ce qui est le plus contraire au vrai. Et ce, notamment, avec<br />

les outils à sa disposition, dès que sa compétence peut lui être utile :<br />

« Tout témoignage est construit selon un code déterminé : atteindre la

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