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Agone n° 18-19 - pdf (1090 Ko) - Atheles

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« PERMANENT » DE LA LUTTE CONTRE LA GUERRE D’ALGÉRIE ?<br />

gonflèrent. Des notables protestèrent et pétitionnèrent dans le Monde.<br />

Trois jours avant, le même tribunal avait condamné à trois ans de<br />

prison Robert Davezies, prêtre de la mission de France, mystique de<br />

l’aide aux révolutions du Tiers-monde. Cette justice-là ne méritait<br />

décidément que le mépris.<br />

Nous avions longtemps été minoritaires, très minoritaires. Et voilà<br />

soudain que les gros bataillons nous rejoignaient. À l’initiative de la<br />

pétition des notables se trouvait un homme, André Holleaux, qui, au<br />

cabinet d’Edmond Michelet, avait été notre adversaire le plus<br />

constant. Il avait tout fait, notamment, pour empêcher le procès que<br />

nous avions intenté à la Voix du Nord d’aboutir. Qu’un tel homme<br />

s’indigne après un jugement scandaleux, certes, mais qui ne traduisait<br />

qu’une réalité extrêmement banale : l’absolue impunité dont avaient<br />

bénéficié les tortionnaires tout au long de la guerre d’Algérie, était un<br />

signe des temps. Robert Gauthier me suggéra d’écrire une lettre au<br />

Monde. Il s’exprima lui-même à ce sujet avec sa vivacité et son énergie<br />

coutumières. Les temps étaient donc changés. […]<br />

Ma rage historienne me tenait toujours, plus que jamais. Avant que<br />

le silence ne retombe, je voulais prouver définitivement que la torture<br />

avait été une affaire d’État. Effectivement, dès le 2 mars <strong>19</strong>55,<br />

l’inspecteur général de l’administration, Roger Wuillaume, avait<br />

recommandé l’usage du tuyau d’eau et de la magnéto concédés aux<br />

seuls officiers de police judiciaire. J’amassai ainsi une énorme<br />

documentation particulièrement riche pour l’époque de la IVe République. D’où venaient mes dossiers ? Pour les années <strong>19</strong>54-<strong>19</strong>58,<br />

principalement de « traîtres », de « grands commis » en rupture avec<br />

l’État. Ils étaient trois : Paul Teitgen, que les lecteurs connaissent déjà,<br />

Robert Delavignette et son beau-fils Jean Mairey.<br />

Robert Delavignette, gouverneur général de la France d’Outremer,<br />

représentait la tradition coloniale dans ce qu’elle a de plus<br />

noble : Brazza au Congo, Pavie au Laos. Il avait adhéré en <strong>19</strong>56 à<br />

l’« Union pour le salut et le renouveau de l’Algérie française »,<br />

fondée par Jacques Soustelle. C’était le renouveau qui lui importait<br />

le plus. Membre de la « Commission de sauvegarde » créée par Guy<br />

Mollet, il avait démissionné avec fracas. C’est lui qui avait dénoncé<br />

le crime commis par le lieutenant Curutchet, qui avait enfumé des

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